Pierre Rondeau : « Pour qu’il y ait plus-value, il faut performer, et pour performer il faut investir »

Dans ‘Team Duga‘, l’émission d’RMC, l’économiste Pierre Rondeau, spécialisé sport et football, a (re)donné une vision plus large sur les nouveaux investisseurs des clubs de Ligue 1, dont ceux de Bordeaux, officiellement en place depuis début novembre 2018.

« Déjà, je suis entièrement d’accord avec tout ce que vient de dire Christophe (Dugarry), mais attention à ne pas faire de généralités en considérant juste, mécaniquement, qu’il y a les Français et puis les investisseurs étrangers, ou les américains comme à Bordeaux, Nice et Marseille. (…) Ils visent la lucrativité, oui, et les performances sportives. Mais l’économie du football est très particulière, si particulière que pour générer du profit et faire de la plus-value sur le trading des joueurs ou autres il faut avoir des performances sportives. Après, je pense que les investisseurs sont des gens suffisamment intelligents, américains ou non, pour comprendre que ; pour vendre avec plus-value des joueurs et pour aller en Europe, générer du profit et avoir un retour sur investissement ; il faut avant tout de la performance sportive. Donc je suis prêt à croire que ces investisseurs bordelais, niçois, marseillais ou autres vont d’abord bonifier et puis maximiser la performance sportive, ce via des investissements conjoncturels et structurels de court terme et long terme, pour ensuite générer une plus-value.

Quand Frank McCourt vient à Marseille, il sait très bien qu’à court terme il perdra de l’argent et qu’il commencera à générer du profit s’il se met à gagner, ce qui n’est pas chose faite, et puis à gagner durablement. Ensuite, on peut vendre des joueurs, participer aux compétitions européennes, améliorer la visibilité, et donc générer du profit. L’ensemble des investisseurs ne sont pas là en mode : j’achète un club, je prends des joueurs, je les revends et j’ai une plus-value. Pour qu’il y ait de la plus-value, il faut de la performance, et pour performer il faut bien de l’investissement. Après, est-ce qu’il y a un risque qu’ils ne connaissant pas les spécificités du foot français ? Oui, sûrement. Mais il faut qu’ils s’entourent, comme le Qatar avait pris Leonardo à Paris, car j’imagine que les Américains de Bordeaux – enfin, je ne sais pas, je ne les connais pas – ne sont pas au courant de l’essence du football français, mais j’espère qu’ils sauront bien s’entourer, prendre des conseillers, pour essayer de construire un staff technique et aussi administratif, afin de prendre les meilleures décisions. Car je rappelle que les investisseurs qui viennent, des fonds d’investissement parfois, sont là avec un but de lucrativité. Et dans le football, pour être très lucratif, il faut déjà performer sportivement.

Ce qui vit Monaco actuellement, en étant 19ème, est un contre-exemple, et montre les risques de trop revendre les joueurs. Mais, aussi, ils n’auraient jamais été champions de France en 2017 sans toute cette politique. Les investisseurs, ils doivent la connaître l’économie du football et savoir qu’à moyen terme s’ils vendent les joueurs dès que ça performe un peu mais laissent un effectif rasé ils ne pourront plus faire de plus-value. Et si un investisseur fait des bénéfices, via le trading ou le développement, mais revend rapidement le club au bout de 4 ou de 5 ans, c’est forcément qu’un autre investisseur sera intéressé par les richesses créées antérieurement. Donc c’est l’actif qui aura pris de la valeur, pour séduire d’autres investisseurs voulant encore faire des bénéfices sur cette base. Une revente derrière ne veut donc pas dire que le club tombera par terre. Ce qu’ils veulent, c’est construire, et ce même pour après leur départ, avec des structures. Même à Bordeaux… De toute façon, la Ligue 1 est déjà le centre de formation de l’Europe et elle est moins compétitive sportivement qu’avant, c’était le cas avant l’arrivée des nouveaux investisseurs, mais avec des droits TV qui vont passer à 1,15 milliards en 2020 on retrouvera quelques lettres de noblesse, pour s’accrocher. Après, les résultats mauvais en Coupe d’Europe, ils étaient déjà là avant l’arrivée des capitaux étrangers. »