P. Rondeau : « Un fonds d’investissement a un comportement purement rationnel pour gagner de l’argent »

Encore dans son entretien de vendredi, sur la radio R.I.G, dans l’émission ‘Girondins Analyse’ (podcast complet dispo ICI), l’économiste Pierre Rondeau, spécialiste de l’économie du sport et du football, a répondu à nos questions. Il tente, notamment, d’apporter des éléments de réponse à LA question que tout le monde se pose : comment gagner de l’argent en gérant un club de football (français) ; et ici avec les Girondins de Bordeaux, que le fonds d’investissement américain GACP est en passe de racheter ?

« Aujourd’hui, oui, vous avez raison, il y a une dépendance des clubs français par rapport aux droits télés, (qui représentent souvent la moitié, ou même plus, de leurs revenus, NDLR), d’où l’étonnement de voir arriver des investisseurs à but spéculatif à Bordeaux… car comment faire pour atteindre ce but, générer des revenus et du profit ? Si on liste les investisseurs étrangers venus en Ligue 1 : à Paris, le but est diplomatique, géopolitique, de ‘soft power’ ; à Lille, il y a la volonté de créer une marque à fort potentiel économique, sur le long terme, en misant sur la formation ; à Monaco aussi on est sur ça, sur un modèle de lucrativité à long terme ; à Marseille, Frank McCourt peut espérer dégager une plus-value à la revente, sur le long terme, comme il avait fait avec le club de baseball américain qu’il possédait… Mais à Bordeaux, si un fonds d’investissement vient, avec un but lucratif de court terme, c’est pour gagner de l’argent avec les Girondins ; mais comment, alors que Bordeaux, si on regarde les rapports de la DNCG, n’a jamais dégagé de plus-value ces dernières années ? Je me le demande.

Ils ont forcément un plan. Donc est-ce qu’ils ont des connaissances et des manières de faire que nous, Français, n’avons pas, pour générer du profit dès l’instant T ? On peut se le demander. En tout cas, si je me mets à la place d’un investisseur, j’ai forcément réfléchi en amont au potentiel. Je serai très étonné que les repreneurs n’aient pas de stratégie d’investissement calculée et prévue, après avoir fait des études de marchés. Ils ne peuvent pas arriver à la va-vite et dépenser de l’argent sans avoir des idées. Ils ont dû repérer des lacunes de fonctionnement et de gestion et pensent qu’en les corrigeant à leurs manières ils peuvent gagner de l’argent. Je pense qu’ils sont dans cette optique, car un fonds d’investissement a un comportement parfaitement rationnel pour viser la rentabilité à court terme et gagner de l’argent : point. Un fonds d’investissement ne vient pas pour la passion du foot, la beauté du sport, la ferveur, le côté supporter, ni pour participer à la glorieuse incertitude du sport. Ce n’est pas, comme à Chelsea, un milliardaire qui rachète un club pour s’amuser.

Donc si les Américains viennent, et qu’ils sont capables de mettre des millions sur la table, ils ont une réflexion et vont faire les choses bien, en ayant un plan pour gagner de l’argent, générer du profit. Par contre… lequel ? Car dans le foot, ce n’est pas une économie normale, un business a part entière, on peut ne pas gagner, même en mettant de l’argent, car c’est très fragile. Et si on ne gagne pas, on a moins de fans au stade, pas de Coupe d’Europe, pas de bons joueurs à revendre, et pas de recette financière. Il peut y avoir des flops. Mais je pense qu’ils ont réfléchi à tout ça, même si le projet parait très fragile. »