Bruno (Footugal France) répond à 11 questions sur Paulo Sousa

Avant de vous retranscrire tout ce qu’il a dit, ci-dessous (c’est extrait du podcast suivant —> à écouter ICI), on remercie encore Bruno pour sa disponibilité ainsi que la précision et la pertinence de ses analyses. On vous invite aussi à aller consulter FootugalFrance et à suivre l’actu de ce site sur sa page Facebook et/ou son compte Twitter. Au-delà du nouvel entraîneur des Girondins de Bordeaux, vous aurez toute l’actu du foot portugais.

Sur ce, les observations de Bruno à propos de Paulo Sousa :

L’IMAGE DE PAULO SOUSA, NOTAMMENT AU PORTUGAL

« Je peux vous confirmer que, effectivement, c’est un entraîneur qui a réussi de très belles choses dans les clubs où il est passé. Mais au Portugal il est quand même plus connu pour sa carrière de joueur que d’entraîneur, car il n’a pas eu l’occasion d’entraîner au pays, à part une sélection de jeunes (U16) il y a déjà longtemps, quand il débutait comme entraîneur. Donc c’est plutôt pour son talent de joueur, les Ligues des Champions qu’il a gagnées avec la Juve (96) et le Borussia Dortmund (97) et ce qu’il a apporté à l’équipe nationale (55 sélections en A entre 91 et 2002) qu’il est connu au Portugal. En tant qu’entraîneur, il a quand même une très belle image, et même s’il est moins connu il a déjà été sur les tablettes des trois grands clubs portugais : Benfica, Porto et le Sporting. Son nom a déjà été cité plusieurs fois là-bas et donc il a vraiment une belle image au Portugal.

S’il est marqué par un de ces clubs-là ? Il a été formé au Benfica (86-89, puis 89-93 pour ses débuts en pro), et ensuite il a fait un passage chez le grand rival du Sporting (93-94). quand Benfica a eu quelques petits problèmes pour payer son salaire. Alors il a atterri de l’autre côté de la route, chez le plus grand rival local, le Sporting. Mais c’était vraiment un joueur formidable quand il avait le ballon dans les pieds, au milieu. Il arrivait toujours à trouver des passes qui arrivaient bien comme il fallait, peu importe le pressing, la distance. Rien ne gênait sa qualité de passe, qui était assez incroyable. Il était plutôt défensif, quand même… Il a fait partie d’une belle génération, qui a remporté le Mondial des moins de 20 ans, en étant un joueur plein de niaque dans une équipe combative. Et il a ensuite gardé ça en devenant entraîneur. »

SON CARACTÈRE

« C’est un leader, avec une très forte personnalité. Quand il jouait, il était même dans une génération marquée ‘bad boys’, même s’il s’est assagi depuis, avec le temps. Mais il a beaucoup de mordant. Et, surtout, il déteste la défaite. C’est vraiment quelqu’un de très ambitieux, et le palmarès qu’il a, plus les clubs qu’il a connus, ça s’explique assez facilement par ça. Il a quand même gagné deux Ligue des Champions de suite, avec deux clubs différents : la Juve et le Borussia… Donc c’est le signe de son caractère très trempé, qu’il a conservé en tant qu’entraîneur. »

DES POINTS COMMUNS AVEC GUSTAVO POYET ?

« Oui, on peut dire ça. C’est vrai que dans l’ambition et la haine de la défaite, plus le sang un peu chaud, il y a une ressemblance. Mais, contrairement à Poyet, Sousa est toujours parti en gentleman, ça s’est à chaque fois bien passé. Même si en Chine, quand même, ça s’est moins passé, mais ce n’était pas vraiment de sa faute car son club chinois (le Tianjin Quanjian) a été mêlé à des scandales assez graves… Et c’est d’ailleurs sans doute une des raisons qui explique son départ. Mais il est vraiment gentleman et n’a jamais eu de problèmes quand il a quitté un club, à l’inverse de Poyet.

Sa niaque, à Sousa, elle est vraiment sur le terrain, ou sur le banc. Il arrive à bien transmettre sa passion. C’est Poyet, mais en plus positif en fait, sans les départs avec des coups médiatiques qui font du bruitSousa, il se concentre vraiment sur le terrain, il arrive à transmettre aux joueurs une passion, une envie, une haine de la défaite. Dans les vestiaires ça passe bien, mais aussi en conférence de presse. Vous verrez assez vite qu’il est capable de transcender une équipe par un discours de vestiaire et aussi que ses conférences de presse ne seront pas ennuyeuses. »

SES MÉTHODES DE MANAGEMENT

« Physiquement, il va presser les joueurs comme des citrons, de ça vous pouvez en être certains. L’intensité dans le jeu est une de ses marques, il veut ça dans son style de jeu, les joueurs doivent tout le temps bouger, être sans cesse à fond. Et si un joueur est un peu feignant, il va vite être mis sur le côté et n’aura pas sa chance avec Paulo Sousa. »

SON STAFF TECHNIQUE

« Au fur et à mesure des clubs qu’il a fréquentés et des rencontres qu’il a faites, il a eu pour habitude de ramener à chaque fois des personnes avec qui il avait déjà pu travailler avant. Il aime bien s’entourer de personnes de grande confiance, et compétentes surtout. Mais c’est normal. Surtout que là, la France est un des seuls championnats d’Europe qu’il n’a pas connu comme joueur ou comme entraîneur, donc c’est vraiment tout à fait normal qu’il s’entoure d’un staff de confiance. Certains viennent de loin, d’autres moins, mais ce sont tous des gens avec qui il a déjà travaillé. »

EST-IL PLUS DANS L’ACTION OU LA RÉFLEXION ?

« C’est vraiment un actif. Sur le terrain, il ne s’arrête pas et il est attentif à tous les détails. Mais il est surtout très exigeant sur l’attitude des joueurs, et donc quand quelque chose ne va pas il s’énerve, il arrête et murmure dans son coin. Quand quelque chose ne lui va pas, on le voit tout de suite sur son visage, et ça ne fait aucun doute. Il aime que le jeu aille très vite. D’ailleurs, en Italie, quand il avait la pression à la Fiorentina, il avait été exclu à la 85ème minute d’un match contre le Genoa, alors que le score était de 0 à 0, parce qu’il avait attrapé un ballon qui allait sortir en touche alors qu’il n’avait pas encore entièrement franchi la ligne. Il voulait relancer le jeu très vite, mais du coup… il s’est fait expulser. Ça montre un peu, là encore, son caractère. Il peut paraître bizarre sur ce point des fois. »

SES ORIENTATIONS TACTIQUES

« Au niveau du système de jeu, c’est très difficile de vous dire exactement. Au niveau du style, oui, je peux, mais des systèmes il en a essayés tellement… 4-2-3-1, 3-5-2, 3-4-3, 4-3-3 ; il a vraiment beaucoup varié ! Mais c’est sûr qu’il n’a pas peur de jouer à 3 défenseurs, comme il l’a beaucoup fait à la Fiorentina (2015-17) et aussi quand il était en Suisse, au FC Bâle (2014-15). En revanche, sa vraie marque de fabrique, c’est vraiment le style de jeu. Il aime que la construction démarre tout de suite, dès la défense, que les défenseurs soient les premiers joueurs à faire la transition offensive. Les défenseurs doivent monter, le bloc aussi, et il doit y avoir plusieurs solutions pour le porteur du ballon. Le jeu de Paulo Sousa, ça bouge énormément et c’est vraiment très plaisant à voir : beaucoup de mouvements, de décrochages, des attaquants toujours en train de bouger pour brouiller le marquage adverse. Je pense vraiment que son style de jeu va peu à peu ravir les supporters. »

S’IL S’ADAPTE OU S’IL IMPOSE SON JEU

« Je vais répondre en deux temps sur ce sujet de l’adaptation. D’abord, comme je vous l’ai dit, je ne pense pas qu’il arrive avec une tactique préférentielle qu’il va vouloir imposer. Il va regarder ce qu’il a, bien analyser, surtout en prenant un effectif en cours de route, et il fera son choix. Mais c’est un acharné du détail et il prendra vraiment toutes les informations possibles. Mais s’il décide de jouer à 4 défenseurs ou à 3, ce sera vraiment par rapport à l’effectif. Et après, si on lui laisse de la liberté cet été pour les recrues, il n’est pas impossible qu’il puisse avoir un groupe flexible pour que dans certains matches ça joue à 3 et dans d’autres à 4.

Après, concernant l’adaptation aux adversaires, soyez sûrs d’une chose : peu importe contre qui il joue ; le Real Madrid, le Paris Saint-Germain ou n’importe qui ; il voudra toujours jouer dans le même style. Il ne jouera pas défensif mais voudra jouer les yeux dans les yeux. Je vous invite d’ailleurs à regarder les deux matches en phase de groupes de Ligue des Champions entre le FC Bâle et le Real Madrid… Vous verrez tout de suite qu’il n’a pas eu peur de jouer le Real. Bâle a joué dans un style offensif, avec beaucoup de mouvements, et si ce n’est pas passé c’est car l’effectif du club suisse, forcément, comparé à celui du Real… Ça manquait de qualités pour faire mieux. Mais si vous avez l’occasion de revoir ces matches vous verrez que Paulo Sousa ne va pas se décomposer face à une grande équipe et gardera toujours sa philosophie de jeu attractive. Peu importe qui est en face. Contre le Real, avec Bâle, il jouait sans Alex Frei et c’est un arrière gauche qui avait été mis attaquant, soutenu par deux faux 9, mais dans le jeu, surtout dos au but, ça pêchait… Sauf que ça restait beau à voir, car l’équipe ne s’est pas pliée, même face au Real. Et Paulo Sousa n’a pas changé son style ou abandonné sa philosophie. Donc s’il ne l’a pas fait contre le Real Madrid, avec le FC Bâle, je ne le vois pas le faire avec Bordeaux, même contre Paris. »

SES RAPPORTS, EN INTERNE, AVEC SES DIRIGEANTS

« Est-ce que, en interne, il est plus dans la concertation avec sa direction ou veut-il contrôler beaucoup de choses ? Un peu des deux, car il est quand même capable de travailler assez facilement en équipe, mais sur les points qu’il sentira comme urgents il va essayer de s’imposer, de vite faire comprendre qu’il aimerait voir ça et ça dans le projet. En tout cas, dans le travail d’équipe, il n’a jamais eu de conflits. Partout où il est passé, il a toujours été capable de gérer avec les dirigeants et les directeurs sportifs, notamment à la Fiorentina, où ça avait pas mal bougé. Mais il est vraiment dans l’échange et la bonne entente. Par contre, quand il voit qu’il y a un problème urgent et quelque chose à vraiment corriger il saura très bien se faire entendre et écouter. »

SA GESTION DES JEUNES JOUEURS

« Des jeunes, il y en a beaucoup à Bordeaux et il va peut-être y en avoir encore plus… Mais je pense qu’il saura faire, oui. Très honnêtement. Quand il était à la Fiorentina, il a eu Federico Chiesa, qu’il est allé récupérer dans l’équipe Primavera (réserve) voire en U19, et c’est devenu un des meilleurs joueurs de l’équipe. Il a fait pareil avec Federico Bernardeschi, parti ensuite à la Juventus. Mais quand il était revenu de prêt à Crotone, Sousa a réussi à lui faire connaître, comme pour Chiesa, une évolution importante. Il les a mis dans de bonnes conditions. Ils ont pris un autre niveau sous Paulo Sousa, donc je pense que pour les jeunes il n’y aura aucun problème. Sousa, il est capable de bonifier et de faire jouer n’importe quelle équipe au-dessus de son niveau. Je pense qu’on peut voir ça à Bordeaux : tous les joueurs au-dessus de leur niveau.

Car Paulo Sousa va exiger d’eux une abnégation totale – et pas que chez les jeunes -, pour en tirer le maximum, en les pressant comme des citrons. Une de ses principales forces, c’est vraiment ça : faire jouer les joueurs, jeunes ou pas, au-dessus de leur niveau réel. Et si, en plus de bons jeunes, il a aussi des joueurs d’expérience, c’est sur que ça l’aidera, sur le terrain et en dehors. Cependant, vu que chaque championnat est différent et qu’il ne connait pas encore la France, puis qu’il arrive en cours de saison, ne vous attendez pas à ce que, tout de suite, les choses marchent et soient définies. Je crois que la fin de saison lui servira surtout à observer, faire des choix, pour bien préparer la saison 2019-2020. Il va faire des tests en vu de tout ça, avec les joueurs qu’il a à disposition, Et beaucoup observer. »

CE QUE RÉVÈLE LA DURÉE DE SON CONTRAT

« Je pense que Paulo Sousa était un entraîneur courtisé. D’ailleurs, juste avant qu’il n’arrive à Bordeaux, la Roma lui courrait un peu après il me semble. Alors, forcément, quand on est un entraîneur très demandé, un club doit avoir les arguments pour le convaincre : le salaire, déjà, au niveau financier, la durée du contrat, la longévité, la viabilité du projet. Alors je pense que Bordeaux a eu les arguments pour le convaincre et lui montrer qu’il était à leurs yeux la personne idéale pour mener le projet qui lui a été présenté. Donc avec tout ça il a signé pour 3 ans et demi (jusqu’en juin 2022). D’avoir pu le convaincre en lui offrant une stabilité, et un projet sur la table, alors qu’il était courtisé, c’est un bon signal. »