Bixente Lizarazu : « Notre doublé Mondial – Euro, ça marque une génération »

Ne parlant, cette fois, pas des Girondins de Bordeaux actuels ni de sa formation au FCGB, Bixente Lizarazu revient sur l’Euro 2000, gagné avec les Bleus, qui ont enchaîné victoire au mondial 98 et succès au championnat d’Europe deux ans plus tard.

Les souvenirs de l’arrière gauche aux 97 capes en A :

« 98-2000, pour moi, dans ma tête, c’était il n’y a pas si longtemps. Et c’est incroyable de se dire que c’était il y a 20 ans. Il y a un peu de nostalgie, même si je n’ai pas tous les souvenirs, mais en même temps c’est une immense fierté d’avoir réussi à faire ce doublé. 2000, c’est la confirmation, alors qu’en 98, on est champions du monde pour la première fois dans l’histoire du football français ; et en France. Tu ne peux pas rêver plus beau que ça. Et en plus, l’affiche contre le Brésil, qu’on gagne 3-0, est extraordinaire. Mais ensuite, il fallait confirmer après avoir été sur le toit du monde, et ça c’est le plus dur. Alors, gagner l’Euro 2000 deux ans après ça, c’était énorme. On prouvait là que notre équipe avait énormément de talent et une force mentale extraordinaire, une amitié, un état d’esprit. Et donc, ça marque une génération. Pourtant, nos qualifications à l’Euro ont été un peu dures, mais finalement ce n’était pas si mal, car on y est allés avec l’unité qu’il fallait, sans se prendre pour les rois du monde ; même si nous avions quand même beaucoup de confiance et qu’on savait qu’on pouvait le faire. »

« (…) En 2000, notre qualité était d’être capables de faire du beau jeu, de se créer des occasions. Mais, en même temps, on avait le défaut de pouvoir se laisser un peu aspirer. Du coup, même si c’était la même défense qu’en 98, on était parfois beaucoup moins disciplinés défensivement et je sentais que ça pouvait être notre faille. Pour un arrière latéral, c’était plaisant d’attaquer, de jouer dans une équipe comme ça, mais autant en 98 nous étions un mur défensif – toute l’équipe, pas juste la défense et le gardien – autant en 2000 je sentais moins de discipline et plus d’aspirations vers l’avant. On laissait donc des brèches et il fallait y faire attention. Je le ressentais vraiment, car on pensait qu’avec notre jeu offensif on allait toujours pouvoir gagner, comme contre l’Espagne ou le Portugal, en quart et en demi. Mais contre l’Italie, en finale, on aurait pu le payer très cher, car les Italiens avaient su bloquer notre jeu, après nous avoir étudiés… On s’est faits piéger tactiquement, on a déjoué, on se sentait impuissants, frustrés de ne pas réussir à jouer notre jeu. Alors on a été impatients, trop aspirés par le jeu d’attaque et moins capable de gérer les temps forts et faibles d’un match pour le ‘fermer’. Ce défaut a quand même été notre force dans l’ensemble, mais ça aurait pu nous coûter la finale. »

« Moi, je suis sorti à la 87ème minute, énervé, mais le sélectionneur Roger Lemerre a fait un choix offensif logique de sortir un défenseur pour faire rentre un offensif, Robert Pière. Je me souviens que, sur le banc, les Italiens nous chambraient… Mais le coup du sélectionneur, qui aurait pu ne pas marcher, est devenu un coup de génie. Le dieu du foot a considéré, à un moment donné, que, même si l’approche de l’Italie pour cette finale était meilleure que la nôtre, ce qu’on avait fait sur la compétition méritait d’être récompensé. Sylvain Wiltord égalise donc à la dernière minute, et là, mentalement… tout change ! Le retournement est total. C’est le déclic, la bascule psychologique. Les Italiens pensaient être champions d’Europe, mais soudainement ils sont morts. Ils ont pris une énorme tarte dans la gueule avec cette égalisation, ils devaient tout recommencer. Et après, le but en or de David Trézéguet, cette action fantastique entre Robert et David, c’est dans toutes les mémoires. On s’est tous levés du banc, en passant devant les Italiens avec des mots pas sympas – mais eux non plus ne l’avaient pas été (rire) -… C’était magnifique. On a vécu, ce soir-là, un ascenseur émotionnel incroyable et un scénario fabuleux, en passant du fond du trou jusqu’au ciel. J’en garde un souvenir fantastique, car l’important c’est la finalité, la gagne. Après le match, je me souviens qu’on était resté sur le terrain, avec la coupe, à discuter entre nous de tout et de rien, alors qu’en 98 on n’a pas eu le temps car on a pris une vague, sans pouvoir profiter du truc entre nous, de l’instant présent. Ce souvenir, il est fantastique. On était sur le terrain, on avait envie que ça dure toute la nuit. On était conscients d’avoir fait le doublé, alors qu’en 98 la communion était presque trop en fait (rire). (…) Avoir été les premiers à faire ce doublé-là, c’était magique. On avait un groupe de mecs supers, de partenaires supers, avec une mentalité que j’adorais et une force collective. Je me sentais bien dans cette équipe. C’était très agréable. »

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