Romain Molina : « Ces escrocs ont pris tout le monde pour des cons »

La – ou plutôt les – crise(s) au FCGB à l’américaine et la très probable revente rapide du club par King Street donnant malheureusement raison à ses précédentes analyses sur la faiblesse du projet GACP – ainsi qu’au « Hands Off FCGB » des Ultramarines de l’été 2018 -, le journaliste indépendant Romain Molina ; auteur de plusieurs livres sur le monde du football et ses coulisses ; publie une nouvelle vidéo pour faire le point sur le « panier de crabes » bordelais.

Extraits de ses commentaires :

« Il suffit simplement de regarder les comptes et les notes de frais, c’est ‘massacre à la tronçonneuse’ (…), ça va un peu à la dérive au niveau des comptes mais pas de l’enrichissement personnel de certains. Mais ce serait beaucoup trop facile de dire que c’est uniquement de la faute de King Street et de GACP, car c’est la constante d’une situation résultant de la gestion d’M6, ce depuis ces dernières années, avec un désintérêt et un déficit structurel de 10 à 15M€ par an ; même si avec M6 le club a connu des moments importants aussi. Le club était devenu un boulet financier pour M6, qui a voulu s’en débarrasser et ne l’a pas laissé dans un très bon état. Ensuite, la Ligue de Football Professionnel, qui a été alertée d’un possible souci avec les repreneurs américains, a fermé les yeux et n’a rien dit pour rester dans la politique-foot et sauver le soldat M6.

(…) Le projet, je rappelle, c’était que GACP récupère le club grâce à des prêts à rembourser obligatoirement chaque année – sans fonds propres, donc -. En plus des prêts à Fortress, donc, King Street avait 86% des parts et c’était un peu une organisation à trois têtes entre ces fonds. En plus, autre très grand mic-mac : comment ces prêts ont été obtenus… Vraie question. (…) J’avais montré dans une précédente vidéo, il y a quasiment un an, comment la présentation de GACP pour obtenir l’argent de King Street – même si pour eux qui pèsent des dizaines de milliards c’était juste un petit investissement – était mauvaise, avec un document grotesque : des paillettes, du marketing, ‘We Are The World’, ‘regardez y a Neymar en Ligue 1’, les droits TV augmentent, c’est magnifique, on va remplir le stade à 80-90% mais sans dire sur quoi on se base… Ils n’avaient aucune connaissance du contexte local, régionale, national, ils disaient qu’ils allaient trouver plein de sponsors – sans dire comment -, ils avaient bidonnés les CV de la plupart des mecs de leur réseau, comme celui d’Hugo Varela. (…) Comment un mec comme ça, qui était dans la télé-réalité et faisait des deals en Moldavie et en Roumanie peut se retrouver patron des Girondins ?! Mais bon, tout va bien, il recevait des journalistes et tout le monde en payant à manger – enfin, le club ! -… Mais c’est une autre histoire ça, encore. Cet homme ne pouvait pas, vu son parcours, diriger un club aussi important du foot français.

(…) Ils ont dit qu’il y avait de l’argent, des ambitions… On a vu ça. Hugo Varela, vrai patron du club, a nommé Eduardo Macia en directeur sportif et d’autres mecs borderline comme lui – allez demander au Betis Séville ce qu’ils en pensent de Macia… -. Souleymane Cissé, il a fait du bon boulot au centre de formation de Monaco, mais à Bordeaux est-ce qu’il dirigeait le centre ou est-ce qu’il travaillait pour certains agents ? On peut se poser la question… Varela a fait venir du monde, des scouts, il n’était pas salarié du club mais il avait la carte de crédit donc il a mangé un peu partout et il y avait des factures de scouting chaque mois sans qu’on sache trop pourquoi. Ils ont dit aux employés qu’il fallait se serrer la ceinture, mais eux, lors d’un voyage en Chine de 5 jours en fin de saison en ont eu pour 14 000 euros de frais d’avions, de changements de dates etc.

(…) Ils ont fait partir des salariés pour ramener leurs mecs – ce qui se fait dans plein d’entreprises -, mais avec des salaires à cinq chiffres quand même. Ils ont fait venir l’Anglais James Moy pour trouver des sponsors, alors il a voyagé partout et il a dit qu’il en avait trouvé un, mais c’était une marque d’alcool et donc Bordeaux n’avait pas le droit… Salaire à cinq chiffres tous les mois. Ils voulaient tout révolutionner etc, mais aujourd’hui il y a 20 à 30 cas qui vont aller aux prud’hommes je crois. La masse salariale devait baisser, bah elle a augmenté (11M€ selon Joe DaGrosa sur RMC il y a quelques mois, ndlr). Tous les copains ont mangé et mené la balle vie : business class, hôtels 5 étoiles, des factures venaient au club sans qu’on sache d’où… Magnifique ! (…) Au mercato, ils ont eu une offre de 12M€ pour Sabaly. Ils ont accepté ? Non, ils pensaient avoir 15-16… Bah Sabaly est toujours au club. Et ils ont fait ça tout le temps, sur tout : des effets d’annonces au mercato – Pavón, Giroud – pour faire Koscielny en se ruinant ; y a pas d’autres mots. Ils se sont foutus de la gueule du monde, mais pour l’image il fallait quand même ramener un joueur.

Autres exemples : cet été, ils ont mandaté plein d’agents pour essayer de dégager des joueurs, mais ils n’ont pas réussi. Pourtant, tout l’effectif était en vente, et cet hiver c’est encore la grande braderie. L’été dernier, pour Kamano ils ont tout tenté et même pour Pablo ils ont sondé le marché chinois. Enfin, indépendamment de tous les mauvais choix et des arrangements qui valent au club le surnom de ‘Little Bronx’ dans le milieu – où tout le monde te disait que ça sentait mauvais depuis des mois -… Bah il y a Paulo Sousa. Il tient le club à lui tout seul. Il faut quand même voir le nombre de scuds que Sousa a envoyé à sa direction en conférence de presse : déjà, sur le manque de recrues – car on s’est bien foutu de sa gueule -, puis sur le fait que des infos sortaient dans la presse après les défaites, car les propres dirigeants du club se sont servis des médias pour commencer à le déchirer… Vous pensez vraiment que Paulo Sousa – bravo à lui et à ses joueurs et son staff ! – va rester dans ce contexte-là ? Bordeaux est géré de manière inimaginable et malgré ça ils ont des résultats qui font tenir le projet ; car tout le reste c’est pas possible. (…) Alors, les mecs qui ont mis l’argent ont fini par se dire qu’ils étaient pris pour de la merde, donc il a bisbille.

(…) Les mecs, ce sont des escrocs, ils vous ont berné et ont pris tout le monde pour des cons, oui, il est temps de se réveiller. Ils ont mené une vie de nababs pendant des mois. Tu m’étonnes que les gens veulent aller dans le foot et plumer les clubs et les investisseurs. En plus, s’il y a des résultats, beaucoup de fans vont dire : ‘Ouais, mais ça gagne, donc pas grave’. Il n’y a que dans le foot qu’on peut faire ça. Il faut voir, quand même, le trou dans les finances et l’état du club. Et maintenant, King Street ne va pas remettre d’argent mais liquider l’effectif. On a donné les Girondins de Bordeaux, un club historique, une institution du football français, à des gens indignes qui ont pris tout le monde pour des cons, depuis le début – avec des relais vendant leur dignité pour avoir des places en loges et des dîners offerts par le club -. Le projet initial reposait sur du vide, hormis l’enrichissement personnel, la vie de nabab, manger sur la bête et le dos de Bordeaux. Maintenant, je dis bonne chance au club, sincèrement, pour la suite. Car je suis triste pour les amoureux des Girondins et je pense à eux. Et puis, merde, il faudrait qu’on contrôle plus, dans le football français, les actionnaires ! »