Le point de P. Piat (UNFP) sur contrats et salaires des joueurs (Covid-19)

Passé sur RMC, avant-hier, Philippe Piat, le président de l’UNFP, syndicat des joueurs de foot pro, a donné ses avis quant à la crise sanitaire et économique actuelle du Covid-19 et à ses effets pour les footballeurs et les clubs français. Contrats, salaires et mercato ont été les thèmes abordés, avec Piat défendant bien sûr le point de vue des footballeurs et leurs intérêts :

« Avant le confinement, ce qui dominait, c’était une envie des joueurs de rejouer rapidement et je ne ressentais pas vraiment d’inquiétude. Depuis le confinement et surtout depuis les annonces quotidiennes du nombre de morts en France, la tendance a changé. Aujourd’hui, les joueurs sont plutôt inquiets. Et quand on leur parle de reprise du championnat, ils se demandent donc si la pandémie de coronavirus sera terminée, s’il n’y aura pas de complication à reprendre trop tôt.

Rendons à César ce qui est à César. C’est nous, il y a déjà plus d’un mois, qui avons analysé le fait que ce serait très problématique de pouvoir finir la saison au 30 juin. Et nous avons promis et engagé le processus pour que la saison puisse se dérouler au-delà du 30 juin. Mais il y a quelques personnes qui se sont accaparées cette décision, sauf qu’elle nous appartient, à nous, l’UNFP. Après, le prolongement de ça, c’est non seulement qu’on puisse finir la compétition avant le début de la saison prochaine, et on a bien sûr été les partisans de pouvoir poursuivre les contrats des joueurs le temps nécessaire. L’analyse qu’on a faite, c’est qu’avec l’accord qu’on est en train de mettre en œuvre on est confronté au problème que, sur l’ensemble des joueurs, il y en a à peu près 80% qui sont encore sous contrat avec leur club l’année prochaine. Pour ceux-là, il n’y a pas de problème particulier, car en 2020-21 ils continueront jusqu’au 3 août comme souhaité par l’UEFA. Mais sur les 20% restants, il y en a 80% – je dirais –  qui vont suivre les recommandations que nous sommes en train de faire, c’est à dire de poursuivre jusqu’à la fin du championnat, même si ça dépasse fin juillet.

Et il reste 3 ou 4% de l’ensemble des joueurs, qu’on ne peut pas obliger à jouer au-delà du 30 juin. En France, il y a des contrats à durée déterminée, et le droit du travail oblige le respect des contrats, et on n’est pas à la place de quelques joueurs qui décident pour eux… Les clubs, normalement, ne pourront rien faire. Si les joueurs faisant ça passeraient pour des mercenaires ultimes ? Oui, mais bon… Nous, on ne peut malheureusement pas avoir la prétention d’avoir 100% de personnes, dans une profession, qui acceptent comme un seul homme d’être solidaires. Et puis aussi, peut-être que des joueurs ont déjà pris des engagements avec d’autres clubs, et ne savent pas à quelle sauce ils vont être mangés. Donc voilà, je vous ai donné les grandes lignes et je pense que ça devrait être jugé comme positif. Pour les joueurs qui sont au placard et ne sont plus utilisés ? J’attendais cette question… Normalement, c’est comme ça que ça se passera : les clubs sont obligés, dans une décision politique de dialogue social, de garder tout l’effectif., sans choisir ses joueurs Donc ce sera forcément tout l’effectif qui serait reconduit jusqu’à la fin des matches et du championnat. Cela me parait normal.

En France, les joueurs, comme ils sont au chômage partiel, ils ont déjà perdu 16% de leurs salaires. Par ailleurs, et au moment où je vous parle, je ne peux pas vous donner des informations trop précises car nous sommes en discussions avancées avec les clubs pour arriver justement à valider un accord que l’UNFP a négocié avec des représentants des joueurs et qui nous permettra de faire voir que les joueurs français, eux aussi, auront une action très importante au niveau des salaires. Pour être clair, on est en train de trouver un accord politique entre l’UNFP et les représentants des clubs. La difficulté qui peut exister, c’est qu’il y a des lois françaises qui obligent d’avoir des accords et que, peut-être, quelques joueurs, très peu, ne seront pas d’accord, comme des clubs, qui voudront essayer d’obtenir des conditions encore plus favorables. Mais l’accord politique qu’on fera, permettra aux clubs de passer cette crise un peu plus facilement au niveau de la trésorerie.

Mais attention, il ne faut pas que les salaires des joueurs soit la seule variable d’ajustement. Il faut aussi que les pouvoirs sportifs français cherchent des solutions annexes. Et il y en a beaucoup. D’abord, si les matches vont au bout, si les 38 matches se jouent, il faut récupérer les droits TV, dont les versements sont suspendus. Aussi, compte tenu que l’année prochaine les droits TV seront plus élevés, on peut en utiliser une partie, 10 à 20%, pour solder la trésorerie de la compétition actuelle 2019-2020. Après, les clubs disent que tout ça perturbe le mercato et leurs stratégies de ventes de joueurs et d’achats, mais il faut se rappeler que le système des transferts c’est une bulle financière et qu’on a dénoncé d’ailleurs qu’elle allait un jour exploser. Sauf qu’on ne pensait pas que ça pouvait être pour des raisons sanitaires. Mais tout ça, c’est la responsabilité des clubs qui ont ces stratégies de trading, pas des joueurs. »

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