Gustavo Poyet, un habitué des départs fracassants

Gustavo Poyet est un homme de caractère, de la trempe de ceux qui n’ont rien à cacher de leurs pensées, qui n’hésitent pas à livrer leurs états d’âme. C’est un coach impulsif et sanguin, pouvant être tout aussi joyeux que volcanique. Bref, le technicien uruguayen pourrait être défini par sa spontanéité, qu’elle plaise ou qu’elle agace. Mais dans le milieu du football, celui où les expressions « le plus important c’est les trois points » ou « il y a eu du bon et du mauvais dans ce match » se font légions, ce franc-parler peut rapidement faire des étincelles. Finalement, sa « langue de bois » déployée dimanche soir après la défaite 2-0 à domicile face au RC Strasbourg n’a été que l’inquiétant silence avant la pluie d’obus de jeudi soir. Pourtant, cette éruption soudaine n’a rien d’une exception dans la chaotique carrière d’entraîneur de Gustavo Poyet ! Elle devient même une habitude, au point de rendre uniques les quatre longues années qu’il a passées entre 2009 et 2013 comme coach de Brighton, entre D3 et D2 anglaise.

En effet, hormis pour cette première expérience du natif de Montevideo comme entraîneur principal, les départs de Gustavo Poyet ont toujours eu lieu de manière fracassante, tonitruante, tintamarresque. Jusqu’à l’empêcher de rester plus de dix-huit mois dans un club. Ainsi, l’homme de 50 ans a vécu les cinq derniers années comme un aventurier, parcourant le vaste monde du football professionnel au gré des signatures et des ruptures, des accords et des clashs, créant tantôt de bonnes dynamiques, tantôt des catastrophes sportives. « Gus » est un personnage clivant, et s’il a parfois réussi à trouver une alchimie avec son effectif, il n’est définitivement pas un séducteur de dirigeant(s).

Sa première rapide séparation est finalement la plus « banale » de toute. Après une bonne saison avec Sunderland, durant laquelle il a réussi à hisser le club jusqu’en finale de la coupe de la ligue anglaise et est parvenu à maintenir les Black Cats en Premier League, sa deuxième année est plus tumultueuse sur le plan sportif. Une série de 6 défaites consécutives en championnat, dont une déroute 4-0 face à Aston Villa, concurrent pour le maintien, auront donc raison de lui. Il est ainsi licencié par ses dirigeants le 16 mars 2015, alors que le club est au bord de la relégation…

C’est la seule fois où le technicien se fera limoger pour des raisons majoritairement sportives. Entre 2015 et 2016, son expérience grecque avec l’AEK Athènes s’est terminée par une crise personnelle avec le président, Dimitris Melissanidis. Alors que Gustavo Poyet possédait pourtant le fantastique bilan de 18 victoires et 5 matchs nuls en 28 matchs, son profond et violent désaccord avec le dirigeant du club grec l’avait poussé à annoncer son refus de prolonger son contrat aux médias la veille de la demi-finale de la Coupe de Grèce (que l’AEK Athènes a tout de même remportée). Dimitris Melissanidis ne lui a jamais pardonné ce coup de sang, déclarant même que « c’était inacceptable et immoral de le faire à ce moment ». Sans surprise, Gustavo Poyet est renvoyé sur le champ, après seulement six mois à la tête du club grec.

Il croit pourtant rebondir rapidement en signant au Betis Séville, pour la saison 2016-2017. Mais il ne sait pas où il met les pieds. Le public du stade Benito-Villamarin est sans pitié pour ses joueurs, et provoque une ambiance électrique pour chaque match à domicile. Gustavo Poyet a reconnu son erreur plus tard, en confiant à L’Equipe « Avant d’arriver, je n’ai pas cherché à m’informer sur le contexte. Or, c’était de la folie. On a fait match nul le premier match (0-0), à la fin, on a été sifflés comme si on avait perdu 10-0. La mauvaise relation avec les supporters faisait beaucoup de mal à l’équipe. Et comme j’ai un peu de caractère, je l’ai dit… ». Par la suite, ses six défaites en onze matchs lui mettront également à dos les médias locaux et les dirigeants. Il finit par être licencié, et ce dès le mois de novembre 2016…

Sa dernière expérience avant qu’il ne signe aux Girondins a eu lieu en Chine, au Shangai Shenhua. Malgré la venue de Carlos Tévez, les résultats du club ne sont pas à la hauteur des espérances. Avec un bilan de 12 défaites et 7 matchs nuls en 28 rencontres disputées, ainsi qu’une élimination en tours préliminaires de la Ligue des Champions asiatique, la tension montre progressivement avec ses dirigeants, ce jusqu’à l’éruption inévitable de l’uruguayen. En août 2017, il déclare à la presse « J’ai atteint ma limite. Je n’endosserai pas des responsabilités qui ne me reviennent pas« . Il démissionne au mois de septembre, au terme d’un épisode qui possède un certain nombre de ressemblance avec la grosse crise qui ébranle actuellement les Girondins et dont l’issue ne pourrait être que le prolongement des mésaventures de Gustavo Poyet en Angleterre, en Grèce, en Espagne ou en Chine ; mais avec encore plus d’écho et encore plus de tumulte.