Pourquoi les Girondins valent-ils beaucoup plus cher que l’OM ?

Une somme ahurissante, stupéfiante, renversante, qui bat des records dans le foot français !

Le fait d’atteindre cette barre symbolique de la centaine sonne comme un choc par rapport aux précédentes ventes de formations de Ligue 1. Cette transaction permet aussi au groupe M6, désireux de se recentrer sur ses activités principales que sont la télévision et la radio, de réaliser un immense bénéfice à la vue du prix auquel il a pu acquérir le FCGB en 1999, qui représente moins du quart du montant récupéré 19 ans plus tard (23,56 millions d’euros). Mais surtout, cette opération s’avère plus de deux fois plus élevée que la vente de l’Olympique de Marseille, en octobre 2016, où Margarita Louis-Dreyfus avait seulement cédé le club olympien à Frank McCourt en échange de 45 millions d’euros. De même, la somme payée par GAPC est supérieure à celles de l’acquisition du PSG en 2011 (79 M€) et du LOSC en 2017 (80M€). Alors pourquoi les Girondins de Bordeaux valent-ils beaucoup plus cher que l’OM et le PSG ? Ont-ils un avenir plus prometteur ? Ont-ils un meilleur effectif ? Les raisons sont évidemment plus compliquées que de simples réponses à ces questions. Nous allons donc décomposer successivement les causes qui ont amené GAPC à fournir une somme plus élevée pour acquérir les Girondins que Frank McCourt à Marseille ou Qatar Sports Investments à Paris.

Un propriétaire qui peut patienter

En 2016, la propriétaire de l’Olympique de Marseille, Margarita Louis-Dreyfus, était à bout. Excédée par les tourments du club olympien, faisant alors face à une hostilité croissante des supporters et des ultras, empêtrée dans des procédures prud’homales déclenchées par Michel (ex coach) et aussi par José Anigo (ex dirigeant), elle a voulu se débarrasser de la formation phocéenne le plus rapidement possible. Ainsi, dès que la proposition sérieuse du milliardaire américain Frank McCourt est arrivée, la veuve de Robert Louis-Dreyfus n’a pas souhaité prolonger des négociations pour essayer de faire grimper le prix de vente, ce qui aurait pu démotiver l’investisseur. Elle a donc vite cédé le club, en octobre, pour 45 millions d’euros, alors qu’avec un peu plus de patience, elle aurait pu trouver un repreneur prêt à en mettre au moins 50 sur la table.

A l’inverse, comme l’a précisé Nicolas de Travernost, patron d’M6, dans les colonnes de L’Équipe du 28 juillet, le groupe M6 « est là depuis 19 ans, et était prêt à faire une vingtième année s’il le fallait ». Ainsi, le futur ancien propriétaire des Girondins de Bordeaux ne s’est pas montré pressé de vendre le club, tout en étant à l’écoute des éventuels acheteurs… « Nous avons examiné toutes les solutions possibles. Car GAPC n’était pas le seul candidat. On a rencontré beaucoup de candidats de tous les pays en leur demandant un certain nombre de garanties » précise aussi NdT. Avec les rumeurs de vente du club qui ont commencé depuis l’année dernière, le groupe M6 a donc pris le temps d’étudier toutes les propositions pour parvenir à se défaire du club au scapulaire au prix le plus élevé possible. Et il a bien fait, car la somme récoltée est très importante.

Un déficit moins important

Les chiffres sont parfois trompeurs. Alors que Frank McCourt a acheté un club ayant fait un bénéfice avant impôt de + 353 000 € durant la saison 2015-2016, GAPC a quant à lui récupéré un club au déficit annuel de 2017-18 estimé à 20 millions d’euros selon Sud Ouest. Pourtant, la situation réelle est totalement différente.

En effet, avant l’intersaison 2015, le club phocéen se présentait devant la DNCG avec un déficit-gouffre de 46 millions d’euros, qu’il avait réussi à compenser par la vente de ses meilleurs joueurs (Thauvin à Newcastle pour 17M€, Payet à West Ham pour 15M€, Imbula à Porto pour 21M€, Mendy à Monaco pour 12M€). Des finances bien représentatives d’un club en net déséquilibre, surtout que Frank McCourt s’était engagé à payer les options d’achats de Florian Thauvin (revenu au club pour 11M€) et de Clinton NJie (7M€).

Pour Bordeaux, si « il n’y a pas de bénéfices depuis sept ans », comme l’explique l’économiste du sport Bastien Drut dans l’édition de L’Équipe du 29 juillet, et que le dernier bilan positif remonte à l’exercice 2009-2010 (+ 9M€), le budget du club au scapulaire est toutefois plus sain que celui de l’OM. En effet, ce déficit garde des proportions nettement moindres par rapport à celui affiché par la formation phocéenne avant le mercato estival 2015. De plus, la simple vente de Malcom a permis de faire passer le déficit de 20M€ en un bénéfice du même montant. Ainsi, s’il serait inapproprié de dire que les finances girondines sont parfaitement bien gérées et d’omettre de dire que le groupe M6 a été particulièrement critiqué pour ses pertes budgétaires, la comptabilité girondine de l’été 2018 est tout de même nettement plus simple à reprendre que la balance négative olympienne de l’automne 2016.

Pour le reste, du côté purement budgétaire, les situations de l’OM et du FCGB sont pratiquement similaires. Aucun des deux clubs ne possède son stade et les Girondins louent le Haillan alors que les olympiens doivent encore 17 millions d’euros à la Caisse d’Épargne pour devenir réellement propriétaires de la Commanderie.

Si les négociations entre M6 et GAPC ont particulièrement traîné en longueur, c’est au niveau de la location du Matmut Atlantique (3.8M€ annuels) à la collectivité. Mais il est tout de même beaucoup plus rassurant, pour un investisseur, de reprendre le Bordeaux de 2018 que le Marseille de 2016.

L’explosion des droits TV

Les premières causes présentées ci-dessus ne sont pas négligeables, mais l’explosion des droits TV explique majoritairement la différence entre les prix de cession de l’OM et du FCGB. En effet, comme l’explique Bastien Drut : « à l’époque du rachat de l’OM, on ne savait pas que les droits télé de la Ligue 1 seraient aussi importants. Là, le repreneur sait qu’à partir de 2020, les recettes seront mécaniquement bien plus élevées (726,5 M€ par an de 2016 à 2020 et 1,153 milliards d’euros à partir de 2020, pour quatre ans), donc il y a potentiellement une plus grande rentabilité, dans l’optique d’une revente future ».

Au moment du rachat de l’Olympique de Marseille, les droits TV venaient même de connaître une… récession par rapport à la période de contrat précédente (668M€ pour 2008-2012 contre 607M€ pour 2012-1016), ce qui ne permettait alors pas d’envisager l’avenir florissant que connaît le championnat de France aujourd’hui avec des droits télés à plus d’1 milliard. Cet argument explique donc aussi le fait que la vente des Girondins soit supérieure à celle du PSG, datant déjà de 2011. Une autre époque…

Des transferts aux montants de plus en plus élevés

Aussi, la vertigineuse hausse des droits TV dans les cinq grands championnats européens a eu une conséquence majeure : les records continuellement battus par les transferts dernièrement. Ainsi, alors que l’effectif actuel des Girondins, après un début de mercato marqué par de très nombreux départs, est loin d’être supérieur sportivement à celui de l’OM en 2016, la valeur du premier est actuellement estimé à près de 90M€ (sans Malcom) par le site Transfermarkt, contre… 60M€ pour le second à l’automne 2016. De même pour le Paris Saint-Germain, dont l’ensemble des joueurs valait à l’été 2011 un peu plus de 100M€, alors que son niveau sportif était déjà bien plus élevé que celui du FCGB actuellement. A titre comparatif, l’effectif du PSG vaut désormais plus de 800 millions d’euros, soit huit fois plus qu’en 2011… Enfin, cette idée peut être illustrée par le gouffre existant entre les 3.6 millions d’euros du transfert de Zidane de Bordeaux vers la Juventus de Turin et les 41 millions d’euros du transfert de Malcom au FC Barcelone. En 22 ans, le transfert d’un jeune espoir du foot mondial passé par les Girondins rapporte donc, potentiellement, plus de 10 fois plus…

Ainsi, coup de chance ou coup de maître, le groupe M6 a attendu la bonne année pour céder les Girondins de Bordeaux au fonds d’investissement General American Capital Partners, réalisant un énorme bénéfice (X 4 !) par rapport à l’acquisition du club en 1999. Mais si cette vente est un record en France, il faut vite s’attendre à ce qu’elle soit largement dépassée dès le prochain changement de propriétaire d’un grand club de Ligue 1 !