Voir plus loin pour vaincre la crise ?

Avant de passer adjoint, puis entraîneur, de l’équipe première et de faire de bonnes choses à Lens, Sochaux puis Bordeaux, Francis Gillot est, d’abord, un formateur. Une caractéristique qui lui avait permis, lors de son passage à Sochaux, de sortir la paire Ryad Boudebouz – Marvin Martin, venus tous les deux du centre de formation doubiste, de les installer rapidement dans l’équipe première, alors à la lutte pour le maintien, et de construire autour d’eux une équipe qui avait surpris son monde en 2010/2011 (5ème place au classement avec Martin meilleur passeur de L1 avec 17 offrandes).
Si, depuis, les trajectoires individuelles des deux ex-sochaliens n’ont pas été forcément celles attendues (Martin peine à s’imposer à Lille et Boudebouz vient d’être transféré à Bastia) et si il est plus facile à Sochaux qu’à Bordeaux de donner leur chance aux jeunes en raison de l’effectif plus étoffé (au moins en quantité) des Girondins, rappeler cet épisode réussi  de la carrière de Gillot avec les cas Boudebouz et Martin n’est pas inutile. Surtout qu’aujourd’hui, une comparaison semble possible entre le Bordeaux relégable actuellement et le Sochaux de l’automne 2010, mais aussi entre les situations des duos Kaabouni – Badin de maintenant et Martin – Boudebouz de l’époque.

Des dynamiques de progression

Encore méconnu du fait de son jeune âge, mais révélé grâce à la Gambardella remporté en mai dernier par les U19 du FCGB (dont il était le capitaine), Younès Kaabouni (18 ans) a récemment connu ses premiers appels avec les sélections de jeunes de l’Équipe de France et, a signé, en début de semaine, son premier contrat professionnel. Une évolution rapide pour ce milieu de terrain polyvalent, à la technique au dessus de la moyenne et à la vision du jeu aiguisée, dont le passage en pro est tout sauf un hasard.

Du côté de Clément Badin (20 ans), la situation est différente. Bien que plus âge et plus expérimenté, avec au moins une saison complète de bonnes performances en CFA, l’ancien de Trélissac ne dispose pas (encore ?) d’un contrat professionnel, comme Younès Kaabouni ou encore David Djigla. Cependant, il s’entraîne de plus en plus avec les pros et rien n’empêche Francis Gillot, s’il le souhaite, de le convoquer et de le faire jouer. Car même si Badin vient d’arriver dans le groupe de Patrick Battiston, son volume de jeu, sa maturité sur et en dehors du terrain, sa précision et son dynamisme balle au pied ont vite tapé dans l’œil des observateurs du Haillan et des habitués du Stade Galin.

Pour celui qui ne cachait pas son ambition de passer pro et qui semble immédiatement s’être adapté en Gironde (il a fait une partie de sa formation à Libourne et confiait avoir eu des conditions d’entraînements très proches de celles du Haillan l’an dernier à Trélissac), une promotion rapide ne serait finalement pas si prématurée. D’autant qu’il semble, au niveau du registre de jeu, peut-être plus à même que Kaabouni de remplacer Sertic poste pour poste si ce dernier venait à faire défaut physiquement.

Préparer l’avenir

En l’absence d’André Biyogo-Poko pour presque 2 mois et devant les doutes qui entourent le cas Sertic, seuls Landry N’Guémo et Abdou Traoré sont, parmi les pros « confirmés », capables d’évoluer dans le même cadre que le duo Poko – Sertic. Mais, entre un N’Guémo, longtemps blessé, qui déçoit depuis de longs mois, et un Traoré, lui aussi souvent blessé, qui n’a jamais vraiment confirmé le talent qu’on lui voyait lors de ses premières apparitions dans le Bordeaux de Laurent Blanc (tout ça commence à dater pour un joueur qui a, tout de même, 25 ans), les garanties ne sont pas là. Reste la solution, utilisée contre Reims, de faire monter Lamine Sané d’un cran. Mais cela ne ferait-il pas que déplacer le problème vers la défense, où la paire Sané – Henrique semble s’être imposée et constitue, peut-être, une des seuls certitudes de l’édifice bordelais, déjà bien assez fragile ?

Certes, lancer des jeunes comporte également son lot d’incertitudes et ne se fait pas au petit bonheur la chance, sous peine de cramer les joueurs et de pénaliser toute l’équipe, mais à l’heure où le bricolage fait match après match semble avoir atteint ses limites ne serait-il pas temps d’utiliser le présent pour préparer l’avenir ? Sauf redressement miraculeux comme il y a 2 ans – chose qui semble difficile vu la morosité qui se dégage d’un groupe trop conséquent et en fin de cycle – ou improbable victoire dans une Coupe, Bordeaux ne parait pas armé pour être européen une troisième fois de suite à l’issue de cette saison. Pour une fois, le terme de « transition » semble justifié.

Un projet plus global

Au final, sans forcément tomber dans le catastrophisme en parlant de Ligue 2 après seulement 7 journées, force est de constater que Bordeaux n’a probablement pas l’effectif et – surtout – la dynamique en termes de groupe, de jeu et de confiance pour terminer dans le premier tiers du championnat. Donc, quitte à être dans le ventre mou, et même si une différence financière, ainsi qu’au niveau de l’image, existe entre une 8ème, une 11ème et une 14ème place, n’est-il pas plus important pour l’avenir de commencer, dès maintenant, à avoir une vision plus longue que celle du match d’après pour (re)créer un groupe et un fond de jeu intéressants, à l’image de ce qui a été fait par des équipes comme Lille, Nice, Saint-Étienne ou Montpellier qui ont bâti leurs différents succès de ces dernières années par des périodes, dures mais utiles, de construction d’un projet ?

Dans son histoire, si le FCGB n’a pas toujours été au top, avec des cycles sportifs plus ou moins vertueux, il a, au moins, su fédérer son public et garder une image de sérieux et de stabilité faisant respecter l’institution « Girondins de Bordeaux ». Ce qui  est bien moins le cas aujourd’hui. Coincé entre un « standing » de grand club, avec les attentes qui y sont liées, et entre une réalité actuelle – tant sportive qu’économique – qui le place davantage dans un grand peloton de « seconds couteaux », le club girondin a, pourtant, une fenêtre de sortie à anticiper pour mieux rebondir.

En effet, l’été 2014 sera celui de la fin de nombreux contrats (Olimpa, Chalmé, Bréchet, N’Guémo, Maurice-Belay, Jussiê, Ben Khalfallah, Bellion), tandis que d’autres arriveront à 1 an de leur échéance (Jug, Planus, Savic, Sané, Henrique, Obraniak, Plasil, Traoré). De quoi entraîner, mécaniquement, les départs, attendus pour certains, de pas mal de joueurs de cet effectif à bout de souffle et donner les coudées franches au club pour recomposer en profondeur son groupe. Il ne serait, cependant, pas bête de commencer dès maintenant en intégrant quelques jeunes pour compléter les prolongations (Sertic, Poko, Poundjé, Diabaté + Saivet et Carrasso en cours) et redonner de la fraîcheur à des Girondins qui en manquent cruellement depuis bien trop longtemps.