Paulo Sousa détaille longuement son management et ses ambitions de coach

Questionné par Tribuna Expresso (média de son pays), le coach portugais de nos Girondins de Bordeaux, Paulo Sousa, détaille sa philosophie managériale et revient sur ses ambitions générales comme entraîneur. Fascinant.

« J’ai toujours guidé ma vie, et surtout quand j’ai remporté mes deux ligues des champions comme joueur, pour remercier Dieu et Fatima, car c’est un endroit qui en dit long pour moi et ma famille. J’ai toujours eu du mal à m’exprimer et le football s’avère être une langue. J’ai aussi toujours été très critiqué pour mon manque de sympathie (rire), mais j’ai toujours été une personne très réservée, aimant davantage m’exprimer sur le terrain, qui était bien l’endroit où j’étais le meilleur. J’ai eu l’occasion de reconnaître très tôt que le football était l’un de mes objectifs essentiels dans la vie et, étant rémunéré, j’ai pu offrir à ma famille et à bien plus de personnes un certain confort de vie. Vous savez, le football est une langue de notre âme très puissante, et en l’appliquant bien nous pouvons faire beaucoup pour beaucoup de gens. C’est en quelque sorte ce que j’essaie de faire, parce que je suis très reconnaissant au football.

(…) Je le dis souvent à mes joueurs : tout est une question d’attitude. Nous ne pouvons pas pointer du doigt les autres et leur dire qu’on attend toujours quelque chose, car les choses viennent toujours de toi. Tout développement est comme ça : d’abord nous-mêmes. Nous disposons aujourd’hui de moyens nous permettant de n’avoir besoin de personne, et nous-mêmes devons offrir de très bonnes choses aux autres. (…) Ma manière de diriger, c’est d’essayer d’être le plus cohérent avec mes idées, mes objectifs et mes relations avec les gens, pour que mes décisions soient les miennes et pas celles des autres. Nous ne pouvons pas plaire à tout le monde, pas plus que Jésus-Christ quand il était ici. Mais tout cela est très dur. Une équipe de football, c’est une micro-société où il doit exister un minimum de règles car il existe des personnalités et des cultures différentes, donc il doit y avoir une ligne qui permet à tout le monde de coexister. Au fil du temps, mes joueurs se rendent compte que toutes mes décisions sont pour l’équipe, pour qu’on gagne et qu’on voit le football pour lequel nous travaillons.

(…) Si j’ai déjà eu de gros égos à gérer dans un vestiaire ? Oui, partout. J’apprécie beaucoup le leadership pour cette frontalité. Personne n’aime être exposé, mais il y a des moments où il faut être exposé, parce que notre leadership doit suivre l’exemple qui a été donné. Encore une fois, cela passe pour nous d’abord. Du coup, chez les joueurs, cela se voit petit à petit et il m’est très facile de mettre de côté ceux qui n’aiment pas participer à ce processus que je veux.

Si je veux gagner la Ligue des Champions comme coach ? Bien sûr, et c’est toujours un objectif. Dans ma carrière d’entraîneur, j’ai pris la décision de commencer par une initiation. J’ai démarré mon processus de coaching dans des contextes culturels différents et difficiles, même au niveau du foot parfois, comme en Chine, mais c’était extraordinaire et tout est allé très, très vite dans mon apprentissage. Les résultats que j’ai eus, ils m’ont ouvert rapidement d’autres marchés : Angleterre, Hongrie, Israël, Suisse… Et lorsque l’occasion s’est présentée, j’ai pris des décisions, souvent plus vite que je ne le pensais. J’en suis arrivé à retourner dans le football italien, à la Fiorentina. Mais j’avais alors déjà parlé de gagner la Ligue des Champions. Je pense l’avoir mentionné en tant qu’entraîneur de Bâle, quand j’ai vécu la première phase de groupes, avec Liverpool, le Real Madrid et Ludogorets. Mon objectif en tant qu’entraîneur a toujours été de créer une équipe capable à la fois de compétences humaines et professionnelles, afin que je puisse améliorer mes résultats et mon palmarès. C’est ce que j’ai fait jusqu’à présent. Maintenant, les circonstances vous font prendre plus ou moins de temps. Quand j’étais à Bâle et à Florence, j’ai pensé que ce serait beaucoup plus court, parce que j’entrais dans le football européen de haut niveau et que j’acceptais des projets dans des équipes qui jouaient régulièrement en Champions League et qui sont compétitives pour cela. Par la suite, je suis allé en Chine, oui, pour une question de confort économique, c’était un moment, presque une parenthèse, pour avoir d’autres propositions, d’autres projets. Avant Bordeaux, j’avais d’autres options, mais j’ai pensé que Bordeaux ça pourrait être un bon projet à réaliser, consistant à élaborer une stratégie avec le club. Nous sommes donc dans ce processus-là. Il y a un vrai challenge. Bien sûr, avoir une grande capacité économique vous permet d’être plus rapide et plus décisif sur le marché des transferts, en atteignant des joueurs qui vous donnent plus vite des résultats, mais ça ne fait pas tout.

Si je rêve d’être sélectionneur du Portugal ? Non. Mon plan de carrière ne se fixe pas sur ça (rire). Mais, bien sûr, je ne suis pas une personne étroite, donc je suis complètement ouvert. Je ne suis pas un entraîneur qui va dire : ‘Je veux ce championnat et ces équipes’, car je peux être heureux n’importe où. Comme je l’ai dit, entraîner une équipe de football est une métaphore de nos vies. Lorsque j’ai quitté Viseu, ma ville natale, l’un des buts de ma vie était d’être un enseignant en école primaire, car ma grande référence était ma professeure. C’est donc pour ça que j’ai consacré mon temps au final : faire carrière dans le foot, mais surtout l’apprendre et être capable de l’enseigner et de faire en sorte que la grande majorité de mes joueurs reconnaissent leur potentiel et se réalisent du mieux possible. Je suis donc peut-être un formateur et travailler spécifiquement avec les jeunes se produira, éventuellement, à la fin de ma carrière. Mais là c’est peut être un peu anticipé (sourire). »