Didier Roustan : « Alain (Giresse) a peut-être été reconnu sur le tard »

Journaliste, comme Guillaume Dufy, Didier Roustan (L’Équipe, également) a aussi été parmi les 12 grands témoins (dont Bixente Lizarazu, Aimé Jacquet et Bernard Lacombe) qui ont parlé du joueur majeur de l’histoire des Girondins de Bordeaux, Alain Giresse, lors du Live d’Éric Dagrant – la voix du FCGB et de la FFF – la semaine dernière.

Les mots de Roustan sur Gigi et le Bordeaux de son époque (live complet à voir en fin de brève) :

« Alain aurait pu jouer dans n’importe quelle équipe, à partir du moment où il n’avait pas de problèmes avec les pieds et le football. Après, le foot argentin que j’aime en particulier, il est très dur et physique, mais des tas d’artistes comme Riquelme, Ortega, Gallardo, Maradona, Sivori s’y sont exprimés sans gros soucis, même en mesurant 1m63 pour Sivori. Si tu joues bien au ballon, à partir de là, bien sûr que tu peux réussir en Argentine. Donc oui, Alain aurait pu être une star là-bas. La première fois que j’ai rencontré Alain ? C’est dur à dire, et même en y réfléchissant je ne pourrais pas dire, car comme pour Michel Platini, Maxime Bossis ou José Touré je pense d’abord au terrain. Mais je pense que nos premières rencontres avaient été très professionnelles, du côté de Bordeaux. Moi, j’aime Cannes, d’où ma famille est originaire, donc Bordeaux je ne connaissais pas trop et j’allais plutôt à Marseille, Toulon ou Nice ; peu à Bordeaux, même si j’y allais par la force des choses. En revanche, avec Alain, j’ai des souvenirs d’émissions qu’on a faites ensemble, car ça reste. Mais la première fois…Cela devait être une interview professionnelle d’après-match, avec du monde autour, donc nous n’avions pas le temps pour s’attarder, chacun était sous pression. Alain et moi, on s’est vraiment connus sur le tard.

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Mon meilleur souvenir d’Alain comme joueur ? Je vais essayer de ne pas rentrer dans les clichés ; comme pour d’autres bien joueurs ; de Séville 82 ou de ce but incroyable d’un lob à la dernière minute sur Joseph-Antoine Bell en finale de la Coupe de France 86… En fait, c’est plus un ensemble, pas un match ou une action en particulier ; même s’il y en a eu des marquants, faisant partie de l’histoire… De mémoire, Alain – qui a beaucoup de mérite – a dû commencer au début des années 70, mais en fait il a deux carrières. Il a peut-être été reconnu sur le tard, car il n’était pas trop dans les standards des vikings de l’époque, comme à l’Ajax d’Amsterdam du football total où il fallait un gros physique. Donc, forcément, ça lui a fait du tort… Mais on a compris plus tard, et encore récemment avec les Iniesta, Xavi etc, qu’il ne fallait pas tomber dans cette logique qu’un footballeur devait être une montagne. Et Alain, après avoir souffert de ça au départ, s’est bien rattrapé en deuxième partie de carrière.

Après, ce n’était pas forcément du temps perdu, car il a été fidèle à Bordeaux si longtemps… Et Bordeaux, avant que Claude Bez n’arrive, c’était un nom mais pas une équipe jouant les premiers rôles. Moi, dans ma carrière d’amoureux du foot, Bordeaux a commencé à exister avec les finales de Coupes de France – même si elles ont été perdues – de la fin des années 60. Je me souviens de Montès dans les buts, de Chorda, de ce maillot au scapulaire, et Bordeaux a toujours fait partie de l’histoire, d’une manière générale. Après, les années glorieuses avec Aimé Jacquet à la tête de l’équipe ont été les plus marquantes, mais Bordeaux était toujours un club à part. Il n’était pas clivant, mais… assez bizarrement, avec pourtant des joueurs aussi talentueux que Bernard Lacombe, Jean Tigana ou Alain, il y avait cette forme de froideur, parfois, dans le jeu bordelais. Du coup, même si ce n’était pas de la rudesse, il y avait cette froideur girondine dont on parle en général – et vous le savez ! -, faisant que Bordeaux a eu du mal, malheureusement, à rentrer dans le cœur des gens, sans être un club populaire au sens pur du terme, comme Marseille ou Paris ensuite. Bordeaux, c’était plus… ambivalent »

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