Le départ de Plasil, un mal pour un bien ?

A l’image de celui du club depuis 4 ans, le parcours du milieu de terrain Jaroslav Plasil (31 ans) à Bordeaux aura été des plus illisibles. D’abord utilisé par Laurent Blanc comme joueur de complément, précieux et efficace, du Bordeaux champion en titre qui marchait sur l’eau avant de couler, puis mis, avec succès, au centre du jeu et de l’animation offensive d’une équipe collectivement malade et minée par les conflits sous Jean Tigana, le Tchèque aura ensuite été la principale énigme du Bordeaux de Francis Gillot ces deux dernières années.

Pourtant, à l’été 2011, quand le technicien d’origine nordiste et ses deux adjoints débarquent en Gironde, tout est fait pour que « Jaro » soit au top. Il faut dire, le N°18 du FCGB sort alors de sa meilleure saison sur le plan individuel (10 passes décisives, 4 buts) et ce malgré le naufrage collectif d’une saison 2010/11 miraculeusement conclue sur une 7ème place illusoire. Prolongation de 2 ans (de juin 2013 à juin 2015), revalorisation salariale, place de titulaire indiscutable et capitanat sont accordés à l’ancien joueur de l’Osasuna Pampelune, leader désigné d’une équipe en reconstruction.

Un problème plus qu’une solution

Cependant, son nouveau rôle à jouer sur le terrain, plus défensif que celui occupé sous Tigana et comparable à celui qu’il occupe en sélection nationale, et ses performances, de plus en plus insipides, dans un collectif, il est vrai, bricolé en permanence et très irrégulier dans le contenu en dépit de résultats finaux enviables (5ème place en 2011/12 et Coupe de France 2013), vont, peu à peu, mettre à mal son statut. Des questions se posent avec insistance sur son « vrai » poste (comprendre son meilleur), sur sa légitimité à être capitaine et même… sur l’intérêt de l’aligner d’entrée sur la pelouse. 

Un ras le bol se ressent également chez le joueur, lassé de devoir jouer dans un registre où il prend plus de coups qu’autre chose et où il court plus souvent derrière le ballon que vers le but adverse ballon au pied, mais aussi du côté de ses coaches, qui reprochent à leur indéboulonnable capitaine de trop se disperser sur le terrain et de ne pas parvenir à évoluer dans le style de N°8 reculé qu’ils attendent de lui… Et que Grégory Sertic remplit de mieux en mieux au fil du temps.

En fin de cycle

La rupture semble donc consommée, et, même s’il n’a pas été possible avant – faute d’offre(s) réelle(s) et, peut-être aussi, des exigences du joueur qui espérait trouver mieux – et qu’il ne s’agit que d’un prêt sans option d’achat, le départ de Plasil était dans l’ordre de choses. Si personne ne crache sur son bilan d’ensemble (186 matches, 14 buts, 27 passes décisives, 80 victoires, 56 nuls et 50 défaites) ni sur le joueur, professionnel, technique et polyvalent qu’il a été et qu’il est toujours, force est de constater que le Tchèque était sans doute arrivé en fin de cycle sur les bords de la Garonne.

Tandis que le débat sur son non remplacement et les critiques vis-à-vis de la direction quant à la gestion – pas très claire il est vrai – de son cas font rage chez les supporters, le chantier principal est pourtant d’ordre uniquement sportif. Et, sur ce point là, c’est presque un soulagement que de voir Jaroslav Plasil quitter Bordeaux ! Car s’il était le capitaine et le symbole sportif du club, il était aussi et surtout le capitaine et le symbole d’une équipe qui n’allait pas bien… Et qui ira peut-être mieux sans lui. Non pas que l’effectif des Girondins de Bordeaux soit pléthorique – quoi que, en quantité, il l’est -, ni qu’il soit si facile de remplacer intrinsèquement l’individualité Plasil, mais la fin du malaise autour de son cas va, indiscutablement, enlever un poids pour Gillot et, sans doute aussi, pour les autres joueurs de l’effectif aquitain.

Remplacer un joueur par un système de jeu

Certes, Bordeaux n’a, justement, pas de certitudes dans le jeu… Mais n’en avait guère plus avec Plasil, et s’est, au moins, dégagé une marge de manœuvre sur le plan sportif pour s’en trouver. Le changement de capitaine (logiquement, il s’agira du gardien de Cédric Carrasso), le changement de joueur(s) et – surtout – le changement d’animation et/ou de système qu’implique l’absence nouvelle de Plasil pour la saison vont redistribuer les cartes et permettre à Bordeaux, on l’espère, de partir sur un nouveau projet de jeu et d’arrêter de vivoter au « match après match » en ne voyant qu’à court terme. Mais la transition ne se fera, très probablement, pas sans tâtonnements et sans ratés, et il va peut-être falloir, pour Gillot et pour Bordeaux, accepter de reculer pour mieux sauter comme le dit l’expression.

Prendre le temps de (re)trouver une équipe, une tactique et un jeu dignes de ce nom implique souvent de tirer une croix sur les résultats à court terme et demande une vision à plus longue portée… Encore faut-il que les joueurs, les supporters et la direction acceptent cette nouvelle donne et accordent du temps et du crédit à Gillot dans cette optique. Vu les limites sportives de la gestion à flux tendus pratiquée depuis de longs mois (et la réalité économique indéniable qui a empêché le FCGB de recruter cet été), il serait peut-être temps pour tout un club, en pleine crise structurelle et même en train de se couper de certains de ses supporters, de prendre des décisions radicales quant à sa politique sportive pour le moins floue.