Battiston : « On essaye d’aller vite, oui, tout est fait pour ça, surtout depuis l’arrêt Bosman en 95 »

La semaine dernière, la radio des Girondins, GOLD FM, consacrait un numéro spécial de son émission « Soir De Foot » à la formation girondine. Patrick Battiston, ancien défenseur international du FCGB, directeur du centre de formation bordelais et entraîneur principal de la réserve du club au scapulaire était, évidemment, un témoin de choix.
« La formation, c’est un très vaste sujet, mais pour synthétiser et parler concrètement le but c’est d’être performant dans le travail pour amener des joueurs chez les pros. De façon plus précise, on doit construire des joueurs capables d’assumer tout ce qu’on attend d’eux au haut niveau : qualité technique, gestion de la pression etc. On donne aux jeunes qui nous rejoignent la possibilité de mieux travailler ce pour quoi on les a repérés, leurs qualités physiques, techniques et tactiques, puis on accentue tout ça, ces quatre éléments. Il est aussi vraiment très important de bien favoriser l’épanouissement du joueur sur le plan personnel. Pour être au haut niveau, il y a des étapes, nous devons leur offrir un cadre de vie, une hygiène de vie, auxquels se greffent plein d’autres choses, comme une éducation professionnelle, notamment par rapport aux réseaux sociaux.

(…) Sportivement, le danger c’est que maintenant, dès qu’un joueur fait un bon match, il est la star du moment. Et inversement si ça se passe moins bien. On essaye d’aller vite, oui, tout est fait pour ça, surtout depuis l’arrêt Bosman en 95, qui a fait que les joueurs sont de plus en plus et de plus en plus vite sollicités. De nombreux clubs pros font signer des joueurs à 16 ou 17 ans. Les conséquences de l’arrêt Bosman ne touchent donc pas que le marché des pros confirmés, mais aussi celui des jeunes, de plus en plus, même s’il y a encore des règlements FIFA et UEFA pour encadrer cela, notamment pour les joueurs mineurs. Au niveau des clubs, français en particulier, le risque c’est que les jeunes se croient arrivés car ils sont pros, ou même avant. On doit leur montrer qu’il y a toujours du travail qui est nécessaire, car on travaille jusqu’à la fin de sa carrière.

(…) Mais le risque, il ne vient pas que du joueur, ça peut être aussi l’entourage, l’agent, la famille et même les amis, qui disent : ‘Voilà, t’es pro, c’est terminé, tu changes de cadre de vie et tu n’as plus besoin de faire certaines choses’. Alors que pas du tout, tu as la même responsabilité voire une encore plus grande, tu dois faire comme avant pour progresser, venir à l’heure et respecter les mêmes choses dans ton travail. C’est toujours un peu gênant de voir comment on caricature un footballeur pro, surtout les jeunes. Vraiment, ça me heurte ! Car, justement, en étant professionnel, on doit être encore plus digne du métier, il y a des valeurs importantes qu’il faut faire passer. Et ces valeurs ce sont toujours les mêmes. Certains disent de nous ‘Ils sont dépassés’, parce qu’on a de l’âge, mais qui va transmettre les valeurs si les anciens ne sont pas là ? Ce serait la porte ouverte à tout… Et surtout à de grandes désillusions. Ces jeunes joueurs doivent nous écouter, même si on peut avoir un ton sévère, car on n’est pas contre eux, mais on sait que pour aller au haut niveau il faut des choses, et on en sait quelque chose vu nos carrières passées. Il faut faire des efforts, respecter le métier, bien travailler, être à l’heure. C’est donc tout ça qu’on veut transmettre. C’est parfois un peu difficile, mais on ne lâche pas ! »