L’heure d’Émiliano Sala ?

« On a fait jouer tous les joueurs pros depuis le début de saison, et ce à raison d’au moins un bout de match pour chacun. Alors, forcément, on compte encore plus sur ceux qui ont peut-être eu le moins de temps de jeu pour montrer de la fraîcheur, de l’envie, et que le staff s’est trompé en les mettant un peu moins sur le terrain. (…) La valeur, la leur, tous les joueurs la montrent chaque jour à l’entraînement. (…) On pourrait bien sûr mettre le mot « confiance » sur le manque de Sala. Mais Emiliano a aussi eu sa chance. On l’a utilisé plusieurs fois, avec plus ou moins de réussite, mais c’est un joueur de l’effectif sur lequel on compte, sinon, il ne serait plus là. S’il l’est toujours, c’est qu’il a encore des choses à écrire dans ce club ».

Par ces quelques propos, issus de sa conférence de presse d’avant match Monaco – Bordeaux donnée vendredi, Willy Sagnol a posé le décor collectif et individuel du cas Emiliano Sala. Pas a son avantage pour ses 5 premiers mois en L1 malgré un premier but rapide (contre Monaco à la 2ème journée), le buteur sud-américain qui avait marqué une quarantaine de fois entre 2012 et 2014 lors de ses prêts en National (Orléans) et en Ligue 2 (Niort) tarde à hausser son niveau. La faute, tout d’abord, à un temps d’adaptation logique et quasiment inévitable pour un débutant en L1 – même si le garçon a déjà prouvé en divisions inférieures et n’est plus un gamin -, dont on ne pouvait attendre qu’il s’impose directement à la pointe de l’attaque, là où Cheick Diabaté est le titulaire N°1 et dispose donc du temps de jeu qui va avec. Privant par conséquent son concurrent d’une certaine continuité pour apprendre et progresser.

 

Du temps de jeu, malgré tout, Sala en a eu et devrait en avoir davantage avec la blessure de Diabaté, le retour de blessure plus tardif que prévu de Jussiê, la participation de Saivet à la CAN… et la recrue attendue qui n’est pas encore là. Titulaire 3 fois lors des 7 premières journées (90 minutes de jeu à chaque fois contre Monaco, Bastia et Saint-Etienne) quand Diabaté n’était pas disponible, le N°11 du FCGB n’a guère convaincu dans le jeu ; commettant trop de fautes, perdant ses duels, ratant des passes et des contrôles ; mais à aussi déçu dans ce qu’on lui demande d’apporter vu son poste, son registre et ses stats du passé proche : la finition. En effet, Sala n’est pas encore parvenu à exprimer les qualités de finisseur qu’il montrait plus bas, tirant très peu (10 tirs au total toutes compétitions confondues), ne cadrant presque pas (1 seul tir cadré, sur pénalty, pour son unique but) et, surtout, ne parvenant pas à se mettre en situation de pouvoir le faire. Là encore, le temps d’adaptation se fait sentir, tout  comme les lacunes tactiques et techniques d’un joueur qui s’est ensuite contenté de 3 remplacements aux journées 9, 10 et 11 et d’une titularisation contre Toulouse à la 12ème journée début novembre (2-1, 83 minutes de jeu).

Ce match ; qui est d’ailleurs son dernier en Ligue 1 à ce jour puisqu’il a connu des blessures jusqu’à la trêve et n’a retrouvé le terrain que le weekend dernier en Coupe de France contre… Toulouse (20 minutes) ; sans être bon de sa part, avait cependant déjà été marqué par des réels progrès dans la conservation du ballon, la faculté à se créer des situations (3 occasions nettes pour 2 tirs, mais aucun cadré), à obtenir des fautes, à gagner des duels, mais également à mieux se placer par rapport au jeu, à presser intelligemment et à proposer un volume d’appels intéressant, même si très inégal en qualité. On arrive là justement à un point important, qui peut présenter une piste d’amélioration pour Emiliano Sala et pour Bordeaux : son utilisation dans le jeu.

Si son mètre 87 et ses 75 kilos en font bien un athlète qualifié pour aller au duel, notamment aérien, et jouer dos au but, le fan de Gabriel Batistuta et de sa grinta n’est pas un « remplaçant de Diabaté » au niveau du style. Plus prévisible que le Malien dans son jeu de corps et moins expérimenté (il n’a que 9 matches de L1 dont 4 titularisations rappelons-le) dans la gestion d’un match, il ne pèse pas autant que lui et ne peut donc pas (encore) être aligné seul en pointe comme il a pu l’être en Ligue 2 avec Niort, où il enchainait les matches comme N°1 de l’attaque avec le jeu de l’équipe qui tournait souvent autour de lui et avait pour but de l’alimenter. Or c’est souvent dans ce cas de figure – seul devant, sans le jeu bâti pour lui – qu’il s’est retrouvé quand il a été titularisé (notamment à Saint-Étienne, où l’équipe a trop subi, et contre Toulouse). Pas l’idéal pour briller, lui qui gagnerait donc sans doute à être aligné à côté d’un autre attaquant (qu’il s’agisse de Touré – dont il n’a pas la polyvalence – ou Rolan par exemple, qui sont en plus les deux seuls vrais autres attaquants aptes du moment), pouvant ainsi afficher ses qualités plus facilement tout en retrouvant la confiance grâce à des dispositions tactiques plus adaptées à son jeu et à un enchainement des matches pour lui.

Espérons donc qu’au-delà du seul match de ce soir à Monaco, dont on attend tout de même quelque chose, les prochaines rencontres contre Nice, Bastia, Guingamp et Evian – plus Paris en Coupe de France – soient celles de la relance pour Emiliano Sala. L’ancien pensionnaire du Proyecto Crecer se disait justement être dans la semaine « Prêt à bien enchaîner des matches pour apporter au collectif » et reconnaissait que « (Son) objectif est de jouer plus, d’augmenter (son) temps de jeu et d’avoir plus d’impact sur les résultats pendant cette deuxième partie de saison ». Comme le disait donc Willy Sagnol, « S’il est toujours là, c’est qu’il a encore des choses à écrire dans ce club ». A lui de jouer !