« Beaucoup de nos détracteurs ne regardent pas nos matchs »

1. Quel est ton regard d’ensemble sur le club de Bordeaux en général et sur l’équipe actuelle des Girondins ?

Anissa : Je n’ai pas spécialement une mauvaise image de ce club, pour moi c’est un club comme un autre sauf dans le cas des derbys. Actuellement, l’équipe a l’air de se stabiliser, elle n’a pas subi de grosses pertes et ça lui permet de continuer sur sa lancée, d’accrocher les places pour l’Europe de saison en saison et de donner son maximum. Avoir fait signer Hoarau pour les 6 prochains mois, je trouve que c’est une bonne chose car ça va vous apporter sur le terrain !

Charles : Pour moi Bordeaux fait partie de ces équipes, à l’instar de Rennes ou Saint-Étienne, capables de faire de bons, voire très bons, cycles sur une saison, qui peuvent l’amener à occuper des places très honorables. Avec son passé et son budget, c’est un club qui doit se donner les moyens de viser l’Europe chaque saison. L’équipe s’est bien ratée en C3, mais s’est rattrapée en championnat. Vous avez de bons joueurs, un gardien extra et surtout Diabaté, un type totalement improbable devant qui plante des buts et qui dribble avec la démarche d’un échassier.

2. Comment tu juges la première moitié de saison du TFC et quelles doivent être les ambitions pour 2014 ?

Anissa : Notre première moitié de saison est assez mitigée, on peut à la fois gagner et perdre contre n’importe qui. On arrive cependant à produire un beau jeu, chose que l’on ne faisait pas (forcément) la saison dernière. Pour 2014, on doit poursuivre ce qui a été fait fin 2013, c’est à dire perdre le moins de matches possible, grappiller des points pour arriver le plus haut au classement et terminer, bien évidemment, devant Bordeaux.

Charles : Cette nouvelle saison a été le théâtre de nombreux départs (Rivière et Sissoko l’hiver dernier, Capoue, Mbengue, Braaten, Bulut et Tabanou cet été…), et de nombreux paris sur le plan des arrivées. Le début de saison, une fois n’est pas coutume, a été catastrophique. Mais le jeu s’est, peu à peu amélioré, les résultats ont suivi et le club a progressivement retrouvé une place en milieu de tableau. C’est insuffisant, mais on ne pouvait viser plus haut. Maintenant que l’équipe se connaît mieux, elle doit tenter de s’approcher du Top 6, et surtout aller le plus loin possible en Coupe de France. Les supporters ont besoin de vibrer, ça fait tellement longtemps !

3. Quels sont tes souvenirs du match « aller » (1-1 au Stadium en août, 2ème journée de Ligue 1), et comment les choses se sont déroulées pour vous depuis ?

Anissa : Je garde un assez mauvais souvenir de ce match, surtout en ne parvenant pas à marquer un (ou plusieurs) but en jouant en supériorité numérique. Mais depuis, je sens l’équipe plus solidaire, prête à réaliser des exploits (si on peut appeler ça comme ça), comme revenir de 2 buts face à l’ASSE ou encore s’en prendre 5 à domicile face à Rennes.

Charles : C’était un match moyen au vu du résultat, mais encourageant au vu de notre prestation, même si, au sortir du match, nous n’avions toujours pas de victoire au compteur. Je crois que vous prenez un rouge, vous marquez et on égalise juste avant la pause. D’ailleurs ce but est encore aujourd’hui le seul de la saison inscrit par Eden Ben Basat… Bien joué les Girondins ! Ensuite, on a enfin décroché quelques victoires, notamment de jolis coups à l’extérieur (à Saint-Étienne et Reims), mais on a aussi flanché sur de nombreux matchs. La fameuse inconstance toulousaine…

4. On dit parfois que le « Derby de la Garonne » est un peu plus attendu côté Toulouse que côté Bordeaux, chez les supporters au moins. Comment ressens-tu, personnellement, cette rivalité ?

Anissa : C’est le genre de match que l’on ne veut surtout pas perdre. Chacun a envie de s’approprier la Garonne en quelque sorte (qui est Viola et qui le restera je vous le rappelle). La rivalité se joue, certes, sur le terrain, mais pour les supporters c’est tout autre chose. On aime bien se taquiner, notamment sur Twitter avec le #DerbyGaronne, se ressortir des dossiers, de bons ou de mauvais souvenirs, le tout dans la bonne humeur ! Le Derby se joue donc sur et à l’extérieur des terrains.

Charles : En tant que supporter toulousain depuis le début de ma carrière de supporter, je ressens une animosité amicale à l’encontre de Bordeaux. Autant envers le club de foot que la ville, d’ailleurs. Pour moi Bordeaux a toujours eu cette image de ville plutôt à droite, plutôt terne, pas très festive. C’est certainement faux, mais mes rares visites dans votre cité se sont toujours faites sous la pluie, alors… Quant au derby en lui-même, il compte peut-être plus ici car vous êtes nos seuls rivaux, tandis que vous avez le derby de l’Atlantique contre les Nantais. Nous, même si Montpellier est un poil plus proche, on a que vous. Et puis, soyons clairs : La Garonne est viola, et elle le restera pour toujours !

5. Quels sont, selon toi, les forces, faiblesses et le style de jeu du Toulouse FC cette saison ?

Anissa : Notre principale force est la qualité de jeu. L’été dernier on a réussi à remplacer nos pertes de l’année par des joueurs plus techniques (Trejo, Braithwaite) ou plus expérimenté (Aguilar). Offensivement, ça nous a permis de poursuivre ce qui a été commencé en fin de saison dernière avec la mise en place du schéma tactique en 3-5-2. Au contraire, notre défense, elle, s’est pris un gros coup ! Avant, Toulouse était l’équipe défensive, l’équipe qui n’attaquait jamais, mais depuis faut croire que ça a changé. On essaie de moins défendre pour mieux attaquer mais bon, ça ne marche pas tellement…. Et puis faut dire qu’avec Ahamada dans les buts on n’est pas trop aidé !

Charles : Indéniablement, la grande force tient en trois chiffres : 3, 5 et 2. Le nouveau système mis en place en fin de saison dernière par notre coach adoré est une superbe révolution. Mais cela ne m’étonne pas ! Déjà, à son arrivée, quand tous nos cadres (Emana, Elmander, Dieuze…) avaient foutu le camp, Casanova avait imposé un système rugueux et solide à la récupération, basé sur un homme : Étienne Capoue. Capoue parti, il a cherché une nouvelle organisation, donnant plus d’importance à la possession de balle et au jeu au sol. Les petits techniciens habiles ont remplacé les monstres d’abattage physique qu’étaient Sissoko et Capoue au milieu. Quand tout fonctionne, on se retrouve avec des séquences offensives ahurissantes avec cinq ou six joueurs dans la surface adverse. Du jamais vu au TFC ! Le revers de la médaille, c’est qu’on se découvre souvent en défense, et que de nombreuses errances individuelles nous coûtent d’innombrables buts…

6. Toulouse n’a marqué que 20 buts en 19 journées de L1. Pourtant, entre Braithwaite, Ben Yedder et Ben Basat, il y a 3 vrais attaquants. Pourquoi l’amalgame ne prend pas ? Pareil derrière (24 buts encaissés) où on s’attendait, comme souvent, à voir Toulouse dans les meilleures défenses du chmpionnat…

Anissa : Concernant l’attaque, l’arrivé de Braithwaite nous a, quand même, fait du bien ! On croyait que notre nouveau Braaten, capillairement  parlant, allait mettre du temps à s’intégrer, mais il nous a fait forte impression. S’il ne marque pas, il essaie de faire marquer. Ben Basat (EBB pour les intimes) subit, quant à lui, la concurrence de ses 2 acolytes. Quand il joue, il a du mal, quand on ne le voit pas, on le réclame. Probablement un manque de confiance. Quand à Ben Yedder, c’est un joueur assez technique qui se complète bien avec le Danois. L’un fait de belles passes, l’autre s’introduit dans les petits espaces. Pour résumer, je dirais que la mayonnaise devrait finir par prendre concernant notre attaque. On doit combiner les joueurs entres eux de telle sorte à ce qu’ils se démarquent… et marquent.

En défense on a subi beaucoup de blessures qui nous ont handicapés. Quand on prend le cas Zebina, le mec a 35 ans mais quand il joue il ne fait pas semblant, il se donne à fond sur le terrain ! Du coup son absence nous paralyse, de même que celle d’Abdennour. Zebina et Abdennour sont deux de nos principaux joueurs. Quand ils sont présents, ça nous permet de faire monter Aurier sur son boulevard, et, offensivement, on arrive à assurer !

Charles : C’est l’autre grand point faible de notre équipe : le manque de réalisme offensif. Car je pense que ce faible score tient plus de l’inefficacité devant le but que du manque d’animation et d’idées dans les derniers mètres adverses. On est une des rares équipes de L1 à évoluer avec deux attaquants de pointe ! Braithwaite est une formidable révélation – même si, en regardant ses stats, on s’aperçoit que ce n’est pas un garçon habitué à affoler les compteurs (17 buts en 89 matches pour son ancien club) – et Ben Yedder et Ben Basat sont de fins techniciens et de vrais finisseurs. Alors où est le problème ? Malheureusement, je n’ai pas la réponse… Concernant la défense, vu les risques pris pour produire du jeu et se projeter rapidement et en nombre vers l’avant, on s’expose à des contres, sans reparler des « cagades » de certains de nos joueurs défensifs…

7. Si on prend uniquement la L1, Toulouse reste sur 5 rencontres sans défaite (2N, 3V) et Bordeaux sur 7 (5V, 2N). Ca veut dire que le match sera plus ouvert que d’habitude ?

Anissa : Je pense que le match peut basculer d’un côté comme de l’autre, mais plus de notre côté. On va avoir droit à un beau match, je l’espère. Tout le monde reprend le championnat et sort d’une qualification en CDF, il y a vraiment beaucoup de motivation à revendre !

Charles : Les séries c’est comme un marathon, plus on avance et plus on se rapproche de la fin. Et puis, ta stat veut surtout dire qu’il y a de grandes chances qu’aucune des deux équipes ne perde, et que donc on se fasse chier devant une purge de match nul…

8. On a souvent une image assez négative du « Téf », qu’on critique beaucoup sur le jeu, l’ambition, la tactique de Casanova, le recrutement, l’état d’esprit, le public… Qu’est ce que tu en penses et comment tu vis cela ? (Si ça peut te « rassurer », on vit exactement la même chose à Bordeaux en ce moment)

Anissa : Déjà il faut savoir que les gens qui critiquent notre jeu sont ceux qui s’appuient sur les on dit de la presse. Ça ne fait pas l’effort de regarder un match pour se faire sa propre opinion. Je ne dis pas qu’on a un jeu excellent, mais on progresse de saison en saison, on fait des efforts, les joueurs, du moins, veulent le démontrer. Concernant l’entraîneur, on n’est pas souvent d’accord avec ses choix. Quand tu vois que face à Guingamp il remplace Abdennour (qui était blessé) mais qu’il lui reste 2 changements et qu’il n’y touche pas, tu te demandes ce qui lui passe par la tête.

En tant que supporters, on a besoin d’adrénaline, on ne demande pas de faire venir des stars (on peut toujours payer en Airbus mais bon…) mais on voudrait que le club réponde à notre appel, qu’il comprenne l’importance de jouer les Coupes par exemple. Déjà que supporter le Téf c’est pas facile (j’ai plusieurs fois frôlé l’infarctus) mais alors voir que les autres sont limites en train de t’enfoncer, ça l’est encore moins. Maintenant on préfère en rire, s’auto-troller et jouer dessus plutôt que d’y répondre sérieusement.

Charles : Effectivement on a souvent cette image négative, sur les Bordelais aussi… Et c’est triste. En ce qui nous concerne, on sait très bien d’où vient cette étiquette. J’en ai parlé plus haut : quand Casa est arrivé à l’été 2008, il a récupéré une équipe convalescente. Handicapée par les départs de nombreux cadres, elle était aussi passée près d’une descente en L2. Il a donc décidé de rassurer son groupe en structurant une équipe solide et d’abord efficace sur le plan défensif. Il a prononcé ce dernier mot à la presse, et a signé son arrêt de mort ! C’était le début de la fin.

Comme beaucoup de nos détracteurs ne regardent pas nos matchs, ils ne voient pas les belles séquences de jeu créées, ils ne retiennent que ce mot. Alors que cette année, notamment, on fait partie des équipes les plus agréables à voir jouer. Concernant le recrutement, le président Sadran fait avec nos moyens (13ème budget de L1), vendant à bons prix nos pépites et scrutant les bonnes affaires. Et cette année nous n’avons pas à nous plaindre ! Quant au public, le constat est clair : il y a peu de monde en tribunes. Pourtant, le club fait tout pour faire venir du monde au Stadium. Ce qui me fait dire que le problème vient de nous Toulousains, et non de notre club.

9. Vous abordez le match de ce weekend avec pas mal d’absents (Abdenour, Ninkov, Moubandjé, Yago et Chantôme)… Elle va ressembler à quoi votre équipe du coup ?

Anissa : Parmi ces 5 absents, 3 nous sont importants : Abdennour, Yago et Chantôme. Pour les 2 premiers, le fait de ne pas les avoir en défense nous déstabilise un peu dans le sens où on doit composer notre défense avec Aurier-Spajic-Zebina (ce qui nous empêche de mettre Aurier en piston sur le côté). En ce qui concerne Chantôme, depuis qu’il est à Toulouse il nous apporte beaucoup, il anime énormément le milieu de terrain, mais derrière on peut le remplacer par d’autres joueurs, comme Trejo, Didot, Sirieix ou encore Regattin. On a déjà joué sans ces joueurs clés, donc on devrait s’en sortir, d’autant plus qu’on joue quand même contre Bordeaux !

Charles : Chantôme est absent depuis un petit moment déjà, et, heureusement, au milieu on est assez fourni. Didot, Regattin, Trejo, voire notre Dieu, Sirieix, devraient suppléer sans trop de heurts le Parisien, même si son absence se fait sentir. Le plus gros problème est le forfait d’Abdennour, notre roc tunisien. Déjà parce qu’il est devenu un titulaire indiscutable et un de nos hommes forts, mais surtout parce que cette absence, conjuguée à celle de Yago, va obliger Casa à repositionner Aurier dans l’axe de la défense. Aurier qui est sans doute notre meilleur joueur actuellement. Son poste de piston droit peut être occupé par Ninkov, mais ce dernier étant aussi sur le flanc on devrait y voir le jeune Jean-Daniel Akpa Akpro (JDAA). Notre défense Aurier-Zébina-Spajic sera donc expérimentale, mais ça devrait le faire. Devant on aura Aguilar, Trejo (ou Didot) et Regattin, et sur les ailes JDAA et Sylla. En espérant que Braithwaite et Ben Yedder répondront présents en attaque…

10. Si tu avais deux joueurs à suivre, un en mal et un en bien, dans chaque camp… Ce serait ?

Anissa : Côté Girondins, le joueur qui me déplait le plus est Serge le Lama. Le mec  il n’est jamais présent sur le terrain,  par contre pour faire la fête et frauder dans le tramway, là y’a du monde ! Contrairement à Marc Planus qui est présent physiquement mais mentalement il préfère être avec sa bouteille de rouge. D’ailleurs j’ai une photo de Marc à l’âge de 17 ans si ça vous intéresse (mais sans sa bouteille de rouge malheureusement).

Côté toulousain j’ai beaucoup de mal à départager. Je pense que la personne à suivre reste le CM du @ToulouseFC , il gère très bien le football et a l’avantage de pouvoir tacler aussi bien que Marc. Non, plus sérieusement, je dirai Ben Yedder. Il ne fait peut être pas son meilleur début de saison, mais c’est quand tu crois qu’il est absent qu’il arrive à planter du but. Je suis particulièrement fan de son football, de sa technique futsal ! Quand à Ahamada, je le trouve, pour sa part, irrégulier. Il nous a, certes, souvent sauvé, mais il nous coûte aussi des buts. Personne ne pourra l’égaler dans le Challenge Ahamada ! Il est au dessus !

Charles : Je suis intrigué par le retour en L1 de Guillaume Hoarau, qui se tirait la bourre à l’époque avec Gignac pour le titre de meilleur buteur 2008-2009. Il a fini avec 7 pions de moins que notre Dédé, mais il avait marqué les esprits pour sa première saison dans l’élite. Je vais donc le suivre. L’autre joueur sera votre gardien Carrasso, certainement le meilleur gardien du TFC de l’époque Sadran (et pourtant on en a vu passer des très bons). De notre côté, j’espère ne plus voir de boulette d’Ali Ahamada, et voir une bonne prestation d’Adrien Regattin, qu’on annonce sur le départ…

11. Enfin, un petit prono pour samedi ?

Anissa : Je verrais bien une victoire toulousaine 2 buts à 1 avec un but victorieux d’EBB pour le relancer !

Charles : Je suis extrêmement mauvais en pronos, donc je vais me lâcher : disons un 4-0 pour Toulouse, avec un triplé d’Eden Ben Basat et un but pour conclure, de l’extérieur du pied gauche depuis le rond central, de Pantxi Sirieix. Tous ces buts marqués, évidemment, dans le dernier quart d’heure.

12. (Question bonus) : Pourquoi le club de la ville « Rôwse » (avé l’assent) joue en Violet ?

Anissa : On joue en violet en référence à la violette, produit de notre terroir ! #ForzaViola

Charles : Laisse moi te citer notre Dieu à tous, Claude Nougaro : « L’église Saint Sernin illumine les volets / D’une fleur de corail que le soleil arrose / C’est peut être pour ça malgré ton violet / C’est peut être pour ça qu’on te dit ville rose. »

Et puis faut surtout dire que le rouge était déjà pris par Liverpool.

NB : La rédaction tient à dire que Charles a eu la délicatesse d’écrire ses réponses en violet dans notre échange de mails pour l’interview…