Zidane : « Je suis en première ligne »

Pour L’Équipe, Stéphane Meunier (réalisateur du film » Les yeux Dans Les Bleus » durant la Coupe du Monde 1998) et Zinédine Zidane se sont retrouvés à Madrid afin d’effectuer une interview croisée. L’ex meneur des Bleus, des Girondins et du Real, aujourd’hui coach de la réserve de « Merengues », tire un bilan complet de ses premiers mois de technicien.

Son choix de devenir entraîneur

« Forcément. Même si je suis resté dans le même domaine, c’est un renouveau, une autre vie. Quand tu es joueur, tu penses d’abord à toi, égoïstement, à ce que tu dois faire sur le terrain. Même si tu sais que tu es là pour l’équipe, le foot, c’est quand même un sport individuel dans un cadre collectif. Dès que tu passes de l’autre côté, sur le banc, les codes changent. Tout devient très différent, plus difficile.

(…) Quand je jouais, je devais toujours penser à l’équipe en premier. Par exemple, je préférais faire marquer que marquer, et ça n’a jamais été un souci pour moi. Il y en a qui ne jurent que par le but. Moi, j’aimais donner. Mais c’était sur le terrain, ça ! J’ai surmonté ma personnalité. Je me souviens qu’on parlait beaucoup tous les deux, notamment en 2006, où tu m’as beaucoup suivi. Je te disais : « Moi, entraîneur ? Jamais ! ». Devenir entraîneur, c’est donc bien l’aboutissement du fait que tu aimes tellement ça et de cette interrogation : « comment je me vois après, maintenant que j’ai fini de jouer ? ». J’ai essayé plusieurs expériences. J’ai passé mon diplôme de manager, j’ai été conseiller du président (du Real Madrid, Florentino Pérez), directeur sportif de l’équipe première… Je cherchais ce que je voulais vraiment faire. Tout cela a abouti à cette conclusion : j’ai envie d’entraîner. »

Sa vision de sa carrière de coach

« En tant que joueur, j’ai toujours pris le temps. Je n’ai pas fait cinquante clubs dans ma carrière, je n’ai pas changé de sponsor. Je suis assez fidèle, assez clair sur ce que je veux faire. Je ne me suis pas laissé disperser par les propositions. Là, je suis dans le même schéma. Je suis en apprentissage. J’apprends. C’est pour ça que j’ai pris le Castilla. Certainement que beaucoup de personnes, de spécialistes, se sont dit : ‘’Mais qu’est-ce qu’il fait ? Il aurait pu faire mieux. » Je n’écoute pas, je fais ce que je ressens. (…) Même adjoint avec l’équipe première du Real, le plus grand club du monde, ce n’est pas pareil qu’être numéro 1, même d’une équipe comme le Castilla. Là c’est toi, tu es le seul responsable à bord. J’étais ravi d’être avec l’équipe première, comme adjoint, j’ai vu. Mais aujourd’hui, je suis content de l’évolution des choses. Je suis en première ligne, j’apprends. »

Ses débuts sur le banc

« Tous les jours, il se passe quelque chose. Que ce soit avec les joueurs, le docteur, le staff… Il faut tout le temps être prêt, prendre les décisions rapidement. Tu n’as pas le temps de tergiverser. J’en ai eu l’expérience dès le départ avec cinq défaites lors des six premiers matches… (Sourire.) Je ne m’attendais pas du tout à ce que ça se passe comme ça, et finalement, tu n’y peux rien. Il faut un temps d’adaptation à tout : connaître les joueurs, savoir ce que tu attends d’eux. Ça prend du temps. Quand j’ai pris le poste d’adjoint, j’étais convaincu que c’était ce que je voulais faire. Mais je mesurais la difficulté, je me disais : “Comment je vais me comporter là-dedans, est-ce que je ne vais pas être submergé ?“. Puis, petit à petit, tu avances. Aujourd’hui, je ne me dis pas que c’est gagné, mais je suis content de ce que je fais et de mon évolution. »

Son management

« Quand tu es coach, c’est ton obligation de communiquer, c’est ta seule manière d’agir. Il y a de la tactique, des choix mais aussi du management. Tu dois montrer la voie : qu’est-ce qu’on veut faire et aussi comment on va le faire ? (…) Aujourd’hui, je me régale ! C’est bon. Tu apprends sur toi. Je me nourris des gens qui m’entourent. Parfois, ils me disent : ‘’Là, tu t’énerves, mais reste calme. » D’autres fois : ‘’Là, tu es calme, non, énerve-toi. » (…) J’ai dû évoluer. Je l’ai ressenti sur la fin de ma carrière de joueur, déjà. J’ai toujours été le plus jeune de mon équipe, celui que ne dit rien. Leader de jeu, oui, mais pas en dehors. (…) Ce n’est pas facile. Il y en a qui sont très doués pour ça, comme Didier (Deschamps, NDLR), il y en a qui ne le sont pas du tout et dont on pense qu’ils ne pourront jamais faire ça. À un moment, je le pensais moi aussi, mais ce n’est plus le cas. Je fais tous les jours en sorte d’évoluer pour montrer que j’en suis capable. Oui, c’est difficile, mais ce n’est pas impossible. »