Zidane : « Je connais très bien l’environnement »

Interrogé longuement par Christophe Dugarry, son ancien coéquipier, à Bordeaux et en Bleu, mais, surtout, son ami, Zinédine Zidane s’est confié comme jamais, à RMC, sur sa vie d’entraîneur du Real Madrid, poste qu’il occupe depuis janvier et dans lequel il est visiblement comblé.

« Quand j’ai arrêté ma carrière de joueur, je ne savais pas ce que j’allais faire, mais je voulais rester au club. Vu ma relation particulière avec le président, Florentino Pérez, il m’a laissé le temps de décider, de regarder, en me disant que, de toute façon, j’étais chez moi ici. Donc j’ai pris mon temps pour passer mes diplômes de manager, puis je me suis dit qu’il fallait que je sois ‘sur le terrain’, avec les joueurs, car le vestiaire me manquait. Aujourd’hui, je suis vraiment très heureux, car j’ai un groupe qui est exceptionnel, qu’on gagne ou qu’on perde. Ce sont tous des gens bien.

(…) Dans mon métier, j’essaie d’être moi-même, je prends beaucoup de plaisir dans ma nouvelle fonction, qui n’est pas évidente, surtout ici à Madrid, mais je suis dans l’envie d’apprendre, de progresser, ce que je fais tous les jours en étant au contact de ces grands joueurs. C’est vrai que je connais bien cet environnement, tout ce club, je sais gérer. Depuis 10 ans que j’ai arrêté ma carrière de joueur j’ai un peu touché à tout au Real. (…) Toi, Duga, tu connaissais l’homme que j’étais, en privé, mais tu savais que l’homme public était plus réservé, voilà… Mais aujourd’hui je le suis moins, grâce à l’expérience. J’ai appris, j’ai évolué, je suis plus serein car plein de choses me sont arrivées. Aujourd’hui, je profite de chaque jour à fond, car j’aime ce que je fais. Ça t’a étonné que je devienne entraîneur, que je sois avec les mecs, que je parle, mais voilà.

(…) J’adore vraiment travailler avec mes joueurs, mettre en place des exercices que j’ai préparé, affiner avec eux selon leurs sensations du moment, discuter avec mon staff sur des vidéos de matches et d’entraînements, sur l’adversaire… En jouant tous les trois jours, on est forcément à fond. On ne fait que ça. Après, passer trois quarts d’heure à tout dire à mes joueurs de l’adversaire, ça ne m’intéresse pas. Mais moi, oui, je dois tout savoir pour présenter à mes joueurs ce qu’on va faire, nous, pour les mettre en difficulté. C’est ça qui m’intéresse. Je me régale dans le travail au quotidien avec mon groupe. Les jours de matches, en fait, il n’y a rien à faire (rires), juste des rappels et des mises en garde. La semaine d’entraînement est bien plus importante pour faire progresser mes joueurs. Techniquement, je n’ai absolument rien à leur apprendre, individuellement ; mais sur des thèmes tactiques, des resserrements défensifs, des relances au sol de derrière, même depuis le gardien, on peut toujours s’améliorer collectivement. Quand il y a des soucis, comme en ce moment vu qu’on reste sur 4 matches nuls, je me dis que je sais très bien où je suis, car j’y suis depuis 15 ans, et que je vais trouver les solutions. Tout en sachant que je ne viens pas pour révolutionner le football.

(…) Aujourd’hui, la pression, je sais que je l’aie. Je dois avoir des résultats. Mais si je ne la transmets pas, qu’elle ne se voit pas trop, c’est car je connais très bien l’environnement. Je connais tout le monde, le rôle de chacun et j’ai moi-même eu plusieurs rôles. Je suis beaucoup aidé par ce vécu. Et après, je sais aussi ce que ma fonction, à Madrid, veut dire. Je dois gagner des matches et je prépare tout pour en gagner. J’ai la chance d’avoir les meilleurs joueurs, des mecs concernés par ce qu’ils font. En fait, ils m’enlèvent la pression. Si les joueurs s’en tamponnaient de ce qu’ils faisaient, s’ils venaient et voilà, je pourrais m’inquiéter, avoir la fièvre, me dire que si on continue ainsi je peux sauter dans deux matches. Mais non, je sais qu’ils sont à fond dans ce qu’ils font. Ils veulent tous progresser, et moi avec eux, donc on est tous serein car, eux comme moi, on sait qu’on a tous envie de gagner, ensemble. Et on va y arriver.

(…) Je ne pense aucunement à un risque de me faire virer. De toute façon, ça arrivera bien un jour. Dans six mois dans un an… Donc j’en profite. Tous les jours, quand j’arrive au centre d’entraînement, sur le trajet de ma voiture aux vestiaires, je contemple les arbres et je me dis que j’ai une chance inouïe. Je m’éclate dans ce que je fais et j’apprends chaque jour. Je n’ai pas de plan de carrière, je suis bien ici et je ne me projette jamais. Je ne sais pas de quoi demain sera fait, mais ce n’est pas grave. Je n’y pense pas, car sinon je vais me poser trop de questions, car j’ai commencé en gagnant la Ligue des Champions. Je pourrais donc déjà me dire que je ne peux pas faire mieux, car c’est le top du top, et ce serait presque inquiétant (rires). L’avantage, c’est que mes joueurs veulent toujours tout gagner, il n’y a presque pas besoin de les motiver à repartir, ils sont préparés pour cela. Et même s’ils ont déjà tout gagné, ce n’est pas compliqué de les remobiliser. C’est de tout gagner qui est compliqué (rires). Mais à Madrid on n’a pas le choix. »