Stopyra : « C’est une génération où c’est d’abord eux… On a parfois du mal »

Une fois encore tirées de son passage sur GOLD FM il y a quelques jours, voici les explications et analyses de Yannick Stopyra, recruteur en chef du centre de formation des Girondins, à propos de l’enjeu, très important, de l’accompagnement des jeunes apprentis footballeurs, une fois leur recrutement et leur venue au Haillan effectués :
« Vous savez, au centre de formation, l’argent ne coule pas à flot. Je pense qu’il y a une crainte de l’avenir chez beaucoup de gens, car aujourd’hui il y a des familles qui sont complètement détruites. Je rencontre des familles de joueurs qui sont parfois dans des situations sociales très compliquées, donc nous aussi on joue un rôle important. Les parents sont très inquiets pour la suite et faire rentrer les jeunes au centre de formation, ce n’est pas difficile car les parents voient qu’il y a un sérieux, du respect. Le mot le plus important ici, je l’ai remarqué chez tout le monde, c’est le mot respect. Des fois, on se sent un peu blessé par les gens de l’extérieur, parce qu’on fait un travail avec ce respect que les gens méritent, et quand les gamins sont en difficulté au niveau scolaire, il y a un gros travail de notre part, des professionnels du centre, pour qu’ils reprennent de la confiance. La construction d’un enfant dans un centre de formation, cela passe d’abord par les études, par un travail quotidien, puis par le terrain. Comme je l’ai dit, les familles sont, en général, très inquiètes de l’avenir. Quand on leur dit qu’il y en a très peu qui vont réussir à faire carrière, et que leur enfant arrive en U19 et en CFA, il y a une panique. Soit les garçons sont en fin de contrat, soit ils ont encore un an. Il y en a qui ont alors le sentiment de tout faire et de ne pas avoir leur chance, et il y en a dont on se rend compte qu’ils ne sont pas faits pour le haut niveau, physiquement, techniquement, tactiquement ou mentalement…

(…) A Bordeaux, le climat est plutôt rassurant, mais peut-être un peu trop. On doit parfois secouer les joueurs pur qu’ils prennent le rythme et le tiennent. On leur fait comprendre que ce n’est pas le Club Med, que le club a besoin de résultats, qu’il faut travailler un peu plus pour l’autre, être convaincu de ce qu’ils font, mais comme c’est une génération où c’est d’abord eux… On a parfois du mal. Je me rappelle de 2010 et du bus de Knysna, quand les joueurs ne sont pas sortis. La différence avec nous, c’est qu’on travaillait pour l’équipe et pour le copain, pas pour nous. Moi, quand j’arrivais en équipe de France, il y avait Platini, Trésor, Bossis, Battiston (à ses côtés pour l’émission, ce dernier expliquera ensuite avoir, à ses débuts, pris du plaisir à aller… cirer les chaussures des pros, n’y avoir rien vu de dégradant et avoir accepté cela comme un apprentissage)… Au début, je les regardais sans savoir si j’allais leur dire ‘vous’ ou ‘tu’, et quand je montais dans un bus, je regardais rapidement où était assis Michel Platini et j’évitais de m’assoir à cette place. Là, aujourd’hui les jeunes s’assoient à la place d’un ancien sans réfléchir… Il n’y a pas le respect de ce genre de choses. Aujourd’hui, vous avez quand même encore des gamins qui sont très bien éduqués, qui sont entourés par des familles solides, mais il faut faire attention parce qu’ils peuvent très vite se lâcher.

(…) Quand on fait signer un jeune, on a des convictions sur ses qualités, mais le profil psychologique reste une inconnue, même si on se renseigne aussi un peu sur ce point. On sait que plus c’est jeune, moins c’est formé et plus il y a à faire. C’est normal et on est là pour ça. Tous les entraineurs sont compétents, transmettent et donnent des choses, mais vous avez des gamins qui comprennent plus ou moins bien et plus ou moins vite. Je prends l’exemple du défenseur Jules Koundé, qui joue maintenant en CFA après avoir été en catégories inférieures. Il ne fait pas de bruit, mais il progresse bien. C’était pourtant un garçon qui pouvait être en retard par rapport aux autres, car on ne l’avait pas vu tout de suite, il n’a pas fait le pôle de préformation à Talence. Et, au fur et à mesure, il a commencé à comprendre, car il est intelligent, il a pris ce qu’on lui donnait, il a retranscrit ce qu’on attendait de lui. Le père Gourcuff disait que les deux choses importantes c’est les qualités avec un ballon et les facultés à jouer dans un collectif, pour l’équipe. Je suis d’accord avec cela. »