Lizarazu : « On pleurait, carrément, au moment de rentrer aux vestiaires après avoir reconnu la pelouse »

Témoin principal du documentaire de L’Equipe 21 sur les 20 ans du Bordeaux/Milan de 1996, l’ancien latéral gauche des Girondins, Bixente Lizarazu, formé au club et jeune capitaine du FCGB lors de l’exploit face au géant italien, a gardé intacts tous ses ressentis de l’époque :

« C’était bien plus qu’un match de Coupe, c’était un moment de folie. On n’a pas gagné la Coupe de l’UEFA, mais on se souvient de ce match-là comme si c’était une finale que l’on avait gagnée. Car on avait gagné contre la meilleure équipe du monde. Même si à la fin on perd contre le Bayern Munich, il y a parfois des matches qui restent dans nos têtes à vie, sans donner des titres. Et je pense que pour les supporters des Girondins, pour tous les joueurs ayant participé à ce quart de finale contre le Milan AC, c’est un des grands moments de notre carrière. (…) On avait fait une préparation spécifique pour la Coupe Intertoto, on avait démarré la saison avant tout le monde, on avait fait beaucoup de matches, donc on était un peu cuits. C’est pour cela qu’on ne peut pas gérer à la fois le championnat et la Coupe d’Europe. Mais on est obsédé par la Coupe d’Europe, je ne sais pas pourquoi, on sent un petit truc… On se retrouve en quart de finale face au Milan AC qui est juste la meilleure équipe du monde à l’époque. Maldini arrière gauche, Baresi en défense centrale, Weah en attaque en attaque… Je n’ai pas toute la liste, mais si tu la fais, elle est incroyable ! Au match aller, on avait perdu 2 à 0, et il n’y avait rien à dire. On n’a pas tenu la comparaison du tout en plus, c’était un costume trop grand pour nous de jouer contre le Milan AC, à San Siro.

Pour préparer ce match retour en particulier, on était parti au Cap-Ferret, on allait manger des huitres, se balader sur la plage… Aujourd’hui, tu regardes ça, ça fait un peu ambiance rugby, pour prendre du plaisir ensemble. Il y avait un super état d’esprit, quelque chose entre nous, une amitié. Et il y a les frissons qui montent au fil des jours…  Le jour du match, je n’ai jamais vu une ambiance comme ça à Lescure, c’était électrique. Le public était en transe plus d’une heure avant le match. Ça chantait de partout. On pleurait, carrément, au moment de rentrer aux vestiaires après avoir reconnu la pelouse. Les supporters étaient hystériques, et on était plusieurs joueurs à être pris par l’émotion. A ce moment-là, je me suis dit qu’on était mal barré, parce que quand il y a trop d’émotion avant le match, en général, tu passes à côté, tu joues le match avant… Mais je ne sais pas ce qu’il s’est passé, je me sentais investi d’un truc. J’avais passé des années à Bordeaux et quand on m’a donné le capitanat, je me suis dit ‘Je suis capitaine quoi !’. Je me comportais comme tel, ambiance rugby un peu, limite à se mettre des gifles avant le match avec les gars, à se frotter les oreilles, à se faire une petite mêlée. J’étais dans ce monde-là… »