Lizarazu : « Je crois qu’il y a des choses qui ne s’expliquent pas dans la vie d’un club, d’une équipe »

Toujours dans son long témoignage pour le documentaire de L’Equipe 21 à propos des 20 ans de Bordeaux/Milan, Bixente Lizarazu a parlé en détails de la rencontre en elle même et notamment de son apport décisif sur le premier but de ce 3/0, marqué à la fin du premier quart d’heure de jeu, par l’attaquant Didier Tholot.

« En fait on avait une tactique, très simple : il fallait qu’on marque lors des vingt premières minutes du match. Gernot nous avait dit ça. Si on voulait avoir l’espoir de se qualifier, il fallait qu’on marque dans les vingt première minutes. Normalement, Richard Witschge est de l’autre côté, le mien,  mais là, je ne sais pas pourquoi, il est à droite. il me met une transversale magnifique, parfaite, avec son pied gauche. Je la vois encore arriver. Je revois très bien cette situation, et c’est marrant car il n’y a pas beaucoup de situations que tu revois après une carrière. Je me souviens que j’ai le temps de voir mon adversaire et de me dire que ce ballon va arriver un peu entre deux, donc c’est celui qui sera le plus déterminé qui aura ce ballon. La balle met des heures à arriver, comme si c’était au ralenti… J’ai un contrôle très favorable, je pars en débordement, et on marque. Le but de Didier Tholot, c’est le déclic de ce match, parce que ça se passe comme tu l’as décidé. Ce qui est compliqué, c’est quand l’équipe est paumée car ça se passe à l’opposée de ce que tu avais prévu. Mais là, pas du tout, ça suit le plan, alors tu es habité par un truc. Le public était déjà en transe, mais après ce but ils sont tous en folie. Et tu vois les Milanais qui se demandent ce qui leur arrive, qui se disent que les mecs courent deux fois plus vite qu’eux

Sur le deuxième but, l’arbitre joue avec nous en déviant le ballon, donc c’est bon, tu sais que tu as la réussite avec toi. Ça te galvanise, ça te gonfle moralement. C’est ça que je trouve absolument fantastique dans un match de foot, c’est comment, psychologiquement, ça bascule d’un côté ou de l’autre. On savait qu’il fallait marquer le troisième but mais surtout qu’il ne fallait pas prendre de but, alors il y a eu un petit moment de flottement. Si eux marquaient, même à 2-0 pour nous, c’était terminé, retour à la case départ avec deux buts à remettre pour se qualifier. Puis la libération est arrivée avec le dernier but de Duga. Au final, les petits chatons de San Siro se sont transformés en lions à Lescure… Pourquoi ? Comment ? Je crois qu’il y a des choses qui ne s’expliquent pas dans la vie d’un club, d’une équipe. C’est l’histoire d’un match. C’est un des plus beaux moments de ma carrière sportive. Pourtant, ce n’était qu’un quart de finale, mais j’avais l’impression que c’était une finale. Quand on l’a fait, on était champions de l’univers, on avait gagné la Coupe du Monde même… Sur ce match, c’est comme si on avait gagné la Coupe d’Europe ! Derrière, on termine en boite de nuit à Bordeaux. C’était merveilleux ! On s’embrassait même sur la bouche ! Et le lendemain matin on n’était pas très clairs à l’entraînement. (rires) »