Bellion : « Alex Ferguson, c’est un monstre de psychologie »

Toujours dans ses nombreuses confidences à Hat-Trick.fr, David Bellion revient longuement sur son passage à Manchester United (2003-06), où il a fréquenté le très haut niveau et partagé le quotidien de joueurs de classe mondiale. Une étape mémorable de sa carrière, lui qui était un grand espoir à ses débuts, avant le début de ses prêts à West Ham (un échec) puis à Nice (une réussite), qui l’a finalement conduit vers Bordeaux en 2007…

« Je suis arrivé à Manchester inexpérimenté mais j’étais super heureux comme tout joueur qui rêve de porter le maillot d’un grand club. Je l’ai fait à 20 ans. Je n’étais pas vraiment surpris non plus étant donné que je suis quelqu’un d’obsessionnel quand je veux accomplir quelque chose. J’ai tout fait pour aller un jour dans un grand club. Donc ça s’est fait très naturellement. D’autant que les joueurs les plus simples que j’ai rencontrés au cours de ma carrière, c’était à Manchester United. Et pourtant, il n’y avait que des stars. Je m’entendais bien avec Ryan Giggs et Roy Keane, notamment parce qu’on faisait du yoga et des étirements ensemble avec une prof. J’avais des affinités avec eux et je pense qu’ils m’aimaient bien aussi car ils voyaient que j’étais un jeune assez brut, honnête dans mes démarches. Je n’étais pas très fayot. Il y a beaucoup de joueurs qui étaient paniqués quand Roy Keane parlait. Mais moi, je n’hésitais pas à m’exprimer, j’avais des rapports très humains avec eux. Je pense aussi à Rio Ferdinand car il intégrait super bien les joueurs. Il était cool. On baignait un peu dans la même culture à l’époque. Le rap, tout ça… Je pense aussi à Quinton Fortune, Wes Brown, Mikaël Silvestre, Fabien Barthez, Cristiano Ronaldo… Avec Cristiano, on s’entendait bien. Dans les vestiaires, il y avait Ryan Giggs à ma gauche et juste après, lui. On était dans la partie où ça rigolait beaucoup avec, également, Djemba-Djemba et Rio. On s’est bien marré pendant deux ans. On faisait beaucoup d’imitations.

(…) Avec Alex Ferguson, la relation, c’était comme un père avec son fils. De toute façon, c’est un monstre de psychologie. Que ce soit avec un petit joueur mineur qui n’avait pas une grande influence sur l’équipe ou avec la star, il était affectueux quand il venait te voir. Il te pousse tout le temps à donner le meilleur de toi. Grand entraîneur. Après, il était plus exigeant vu les joueurs qu’il avait. Je me rappelle qu’à la mi-temps d’un match contre Charlton, il n’était pas content du contenu. À la fin, on gagne 2-0. J’apprécie bien ce style d’entraîneur qui, même après une victoire, n’est pas satisfait si son équipe ne joue pas convenablement. À la fin, on pratique ce sport pour se faire plaisir, s’amuser.

Forcément, il y avait une hiérarchie établie même si Alex Ferguson donne quand même sa chance. Je ne suis pas en train de chercher des excuses, mais Cristiano, c’était le plus gros transfert d’un adolescent dans un club. À l’époque, je crois que c’était 15 millions de pounds. On n’a plus trop conscience aujourd’hui de ce que ça représentait à ce moment là, mais c’était si énorme. Inévitablement, le prix avait de l’influence. Moi, j’arrivais gratuit donc c’était tout bénef si je réussissais pour Manchester United puisqu’ils n’ont pris aucun risque. Et puis, ils appréciaient mon style. Après, quand tu mets autant d’argent sur un jeune, il faut forcément qu’il joue vite. Et il a bien rentabilisé cet investissement. Assez lentement parce qu’il n’était pas tout le temps efficace mais au niveau du talent brut, ils se sont régalés.

(…) Il n’y avait pas besoin de nous encadrer. On était tout le temps à fond, même à l’entraînement. Rien que la présence de tous ces grands joueurs suffisait. T’as les meilleurs de la planète avec toi, t’es obligé d’être bon, de donner ce que tu peux. Être dans le groupe à cette époque, c’était un exploit. Il y avait pêle-mêle : van Nistelrooy, Alan Smith, Ryan Giggs, Cristiano, Wayne Rooney, Louis Saha, Ole-Gunnar Solskjaer, Diego Forlan… Il y avait huit ou neuf attaquants de classe mondiale. Ils étaient talentueux et avaient une certaine expérience. Moi, j’avais du talent mais j’arrivais de Sunderland avec une grosse dizaine de rencontres au compteur. En match, mes prestations étaient honorables mais physiquement, j’étais un peu à la rue étant donné que je ne jouais pas souvent. Donc c’était difficile. La première année, la Ligue des champions, c’était sur le banc pour moi. Mais le seul match où je suis titulaire, contre Fenerbahçe, je marque (ndlr, le 28 septembre 2004, victoire 6-2). C’était le premier match de Wayne Rooney pour Manchester United et il met un triplé. Je crois que j’ai joué quatre ou six matchs de Ligues des champions dans ma carrière. Attendez… Deux avec Manchester United et deux autres avec Bordeaux. Donc oui, quatre.

(…) J’en ai eu un peu marre après mon prêt à West Ham et mes blessures et j’ai demandé à mon agent de me trouver un club en France, près de chez moi, à Cannes. Pour être proche de ma mère et de mes potes. Je savais en plus que Nice me voulait. Concernant le jeu direct pratiqué par Pardew (son coach à West Ham), personnellement, je préfère rentrer chez moi que jouer comme ça. Je suis un joueur de rue à la base. Donc c’est certain que c’était compliqué. Mais ce n’était pas que pour ça que je ne jouais pas. C’était une équipe promue qui tournait bien. Tout le monde se connaissait. Je suis très objectif avec ma carrière. Il ne faut pas toujours dire que c’est de la faute des entraîneurs. Le coach n’était pas en difficulté. Ce sont juste certains discours qui étaient surprenants.

(…) À Nice, Je suis prêté six mois. Je ne me souviens même pas s’il y avait ou non une option d’achat. Je ne sais jamais ça. Je ne m’intéresse pas trop aux contrats de toute façon. Quoi qu’il en soit, après le prêt, ils ont racheté mon contrat parce que j’avais été bon. Les six premiers mois étaient mémorables. Une équipe de fou : Cyril Rool, Rod Fanni, Ederson, Marama Vahirua, Échouafni, Pancho Abardonado, Cédric Varrault, Lloris, Balmont, Baky Koné… On a vraiment rigolé. C’est ça que je retiens de ma carrière. C’est le plus important. Le retour en France s’est plutôt bien passé. Les six premiers mois, je m’y suis bien fait même si j’ai eu un coup de mou vers mars. J’étais assez fatigué. Le fait de revenir, la mentalité du pays… Il fallait s’y faire. Ce n’était pas facile. Mais il faut bien savoir s’adapter dans la vie. Le championnat français, ce n’était pas mon favori. L’Angleterre et l’Espagne auraient été mieux pour moi. J’avais d’ailleurs eu beaucoup de touches avec des clubs espagnols. Mais je voulais être heureux dans ma vie et rentrer. Parce que si je ne suis pas bien dans ma vie, je ne mets pas un pied devant l’autre. Je me suis dit que c’était reculer pour mieux sauter. Et ça s’est produit ensuite puisque je suis parti à Bordeaux. (…) Au bout d’un an et demi, il fallait que j’aille ailleurs. On jouait super bien mais c’est sûr qu’au niveau des relations, c’était difficile. Mais il n’y avait pas que ça. Malgré tout, j’aimais beaucoup Nice. C’est pour ça que je suis revenu pendant ma période à Bordeaux. J’ai toujours apprécié le club. Il est familial, petit. J’aime bien ce côté-là. »