« Une cellule de recrutement, c’est un contre-pouvoir peu désiré en Ligue 1 »

Après les dossiers d’Eurosport (lire « Scouting – Pourquoi la L1 est à des années-lumière de ses voisins européens », « Petit manuel pour ne pas se tromper dans le recrutement » et « Lille a montré la voie, Monaco s’y est engouffré »), au tour de So Foot de publier un article sur le sujet : « La L1 a-t-elle une culture mercato ? ».

Si les Girondins de Bordeaux ne sont jamais mentionnés dans cet article, il est difficile de ne pas estimer que la cellule de recrutement (même si Jérôme Bonnissel, son directeur, a récemment été défendu par… Daniel Riolo) et plus largement la direction du FCGB n’est pas concernée par une analyse globale très critique sur la façon de recruter en France. Analyse étayée par de très nombreux témoignages, dont ceux de Gilles Favard, qui a notamment été le conseiller de Claude Bez aux Girondins.

Favard : « Les saucissons ne poussent pas sur les arbres. Les grands clubs, quand le mercato d’été arrive, ils ont déjà leurs cibles en tête depuis deux ans. À Saint-Étienne, leur recruteur, David Wantier, a été intronisé seulement depuis mi-mai. Tu crois qu’il a eu le temps de cerner avec Galtier les manques de l’équipe, ou bien même d’avoir eu le temps de prospecter ? (…) T’as des clubs qui n’ont carrément pas de cellule de recrutement. Regarde Toulouse par exemple. Ils n’en ont plus depuis que Dominique Arribagé est arrivé à la tête du club. Avant, c’était lui qui était en poste. (…) On se marrait avec mes collègues. Moi, j’avais carrément dit que si Beauvue ne jouait pas un jour en Ligue 1, j’arrêterais tout. Tu te rends compte ? À un moment donné, quand le gars jouait à Châteauroux, le mec valait 300 000 euros ! C’est là que vous voyez que Guingamp a du flair.

(…) Dans la quasi-totalité des clubs en Ligue 1, ce sont les présidents
qui font le mercato.
Parce qu’ils s’imaginent que comme c’est leur
club, ils peuvent choisir les joueurs. T’imagines, toi, le président du
Bayern faire l’équipe ?
 »

Paul Fischer (recruteur de Nancy) : « La solution de facilité pour les recruteurs et les clubs qui n’ont pas trop les moyens de faire de longs déplacements, ou bien tout simplement pas envie, c’est de demander aux agents de joueurs. Mais c’est jamais bon, parce que les agents de joueurs ne sont pas super objectifs. Moi, je m’estime heureux de bosser à Nancy parce qu’ici, on a notre mot à dire. Même si nous ne sommes que deux à travailler à plein temps et qu’on officie pour un club de Ligue 2, ce qui veut dire qu’on limite nos déplacements, je connais d’autres collègues qui n’ont pas cette chance. »

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Un recruteur français qui a voulu rester anonyme : « Le recruteur, c’est un type déconsidéré en France. On n’a pas la culture du mercato ici. Il y
a deux-trois très bons recruteurs en France. Ce sont des mecs qui ne
bossent pas dans les clubs et qui ont des sociétés de conseils, justement,
pour être vraiment indépendants.
(…) Une cellule de recrutement influente, ça enlève forcément
du pouvoir au coach et au président. C’est un contre-pouvoir peu désiré
en Ligue 1
. (…) Quand j’ai commencé le métier de recruteur, j’étais aussi naïf que vous. Je pensais que le président, le coach et moi, on travaillerait ensemble sans souci et de manière limpide. Mais t’es vite ramené à la réalité.  C’est comme ça que ça marche en Ligue 1 malheureusement. Les coachs ne pensent plus qu’à s’accrocher à leur poste et prennent un minimum de risques.

(…) A Nantes, la direction a mis trois anciens joueurs au recrutement pour faire plaisir aux supporters, mais en attendant, Nantes a failli signer un borgne l’autre fois. Ça se savait dans le milieu. Je pense qu’à la dernière minute, Nantes a été averti et lui a fait passer un test oculaire Il faut bien comprendre qu’avoir été joueur pro ne vous donne pas forcément des dons pour le recrutement. D’ailleurs, les meilleurs recruteurs ne sont pas très souvent d’anciens joueurs. »