Bellion : « L’actualité du foot ne m’intéresse pas plus que ça aujourd’hui. J’aime juste jouer »

On en termine avec nos retranscriptions des deux parties du dernier entretien passionnant de David Bellion (à lire sur Hat-Trick.fr). L’ancien N°11 du FCGB revient sur sa vision atypique et tranchée du football.

« Je n’ai pas de télévision chez moi. Juste un ordinateur. Je me débrouille pour voir les matchs qui m’intéressent. Si je sais que Messi, Neymar, Zlatan ou Verrati sont sur le terrain, je regarde. S’ils ne sont pas là, je passe mon tour. L’actualité du foot ne m’intéresse pas plus que ça aujourd’hui. J’aime juste jouer. Je regardais les Barça – Real il y a quelques années quand les équipes ne cessaient de s’affronter. Pareil pour les matchs de Ligue des Champions. Si les équipes ont des joueurs techniques, qui cassent des reins, j’aime beaucoup. Mais sinon, c’est vrai que dans ma vie privée, je préfère aller au musée, au cinéma ou voir des défilés quand c’est la période. Ma femme et moi, on ne parle pas de foot. Pareil avec mes amis. Mon fils aime bien mais c’est tout. J’aime échanger sur autre chose : la vie, la société ou la religion.

(…) J’ai rencontré des joueurs qui s’intéressaient à plein de choses. Édouard Cissé, Marc Planus, qui aime l’architecture ou Ludovic Obraniak, qui apprécie l’art. Je suis peut-être atypique mais il y a quelques joueurs comme moi. Le foot, c’est une passion mais aussi un métier. Si je vous pose des questions sur votre taf alors que vous en sortez, vous allez me dire que vous avez envie de parler d’autre chose. Et puis le football d’aujourd’hui est très aseptisé. Les discours sont toujours les mêmes. Au cours des programmes télévisés, on pose systématiquement les mêmes questions. On cherche la petite bête. Est-ce que tel club est en crise parce qu’il a perdu un match ? Moi, ça me fait rire donc je ne regarde pas. Je préfère aller voir un bon film au cinéma ou même lire un livre à mes enfants.

(…) Entre la France et l’Angleterre, il y a beaucoup de paramètres, chacun a sa vérité. La formation française est peut-être l’une des meilleures au monde mais en revanche, au niveau de la culture, de la mentalité, on n’est pas des gagnants. Ce n’est pas uniquement valable dans le sport. C’est dans la vie. À l’inverse de l’Angleterre, de l’Allemagne, de l’Espagne ou même de l’Italie qui a une approche encore différente. En Angleterre, le football, c’est la vie. En France, c’est un débat de société. Les années que j’ai le plus détestées, ce sont celles de formation. L’entraîneur français est peut-être l’un des plus au fait de la culture tactique ou physique mais en revanche, il ne laisse pas de place à l’instinct, à l’élégance. Et moi, je suis plutôt dans ce style-là. Il faut savoir voler de ses propres ailes. L’Angleterre me ressemblait plus. Parce que même s’il y a une tactique donnée sur le terrain, vous avez de la liberté. En France, quand vous parlez avec les entraîneurs, ils vous disent qu’il faut défendre. Certains agents m’ont dit que lorsqu’ils proposent des attaquants, la première chose qu’on leur demande, c’est : « Est-ce qu’ils défendent ? Est-ce qu’ils ont cette mentalité-là ? ». Un joueur français moyen peut faire carrière. On valorise les valeurs du travail. Si le footballeur écoute bien les consignes, on va le pousser. Alors qu’un joueur de talent, on a beaucoup plus de mal. On a une relation assez complexe avec le succès.

Je peux comprendre qu’il faille avoir des bases en défense. Mais c’est une mentalité de petit. Quand je vois qu’Alex Ferguson, au très haut niveau, ne se souciait que de savoir si son équipe jouait bien… Il donnait une direction tactique à certains matchs mais il savait qu’il avait des joueurs intelligents sur le terrain, donc c’était inutile d’insister là-dessus. En France, c’est usant. Quand on gagne 1-0 et que ce n’est pas beau, c’est bien. Je déteste ça. Le football, pour eux, c’est une économie, plus un jeu. Il faut être à l’abri pour prendre des risques. On joue en février, mars ou avril car ça y est, l’enjeu est moins important. C’est petit bras. Ça me fatigue. J’ai envie que le foot ressemble à un jeu vidéo, à PES. »