Bellion : « Lors de la saison 2013-2014, j’étais un peu en roue libre. J’attendais que mon contrat se termine »

Après avoir parlé du début de sa carrière et de son passage à Manchester terminé par un prêt à Nice, David Bellion a très longuement décortiqué ses 7 années (2007-14) passés au FC Girondins de Bordeaux. Un récit en plusieurs phases qui couvre les périodes Blanc, Tigana (qu’il n’évoque pas par choix vu les rapports difficiles qu’il a eu avec lui) et Gillot. L’entretien complet, en deux parties, est à lire sur Hat-Trick.fr.

« Les Girondins ont mis la somme demandée par Nice (1.5M€). Même si j’aimais beaucoup Nice, je suis donc allé à Bordeaux. De son côté, Laurent Blanc avait, quant à lui, directement appelé Manchester United  pour savoir qui j’étais réellement. Il s’était renseigné et ça s’est très bien passé ensuite. La première année, je joue presque tous les matchs. J’ai dû passer trois rencontres sur le banc. Mais pour le reste, j’étais titulaire. La deuxième saison, c’était bien aussi même si un turnover a été instauré. C’est sûr que l’attaquant numéro un, c’était Marouane Chamakh. Après, Fernando Cavenaghi, Yoan Gouffran et moi, on était un peu derrière mais on avait quand même du temps de jeu. On ne pouvait pas se plaindre. C’est d’ailleurs en partie pour ça qu’on est champions. Le fait que tout le monde ait participé.
La troisième année, Laurent Blanc avait choisi une tactique qui n’était pas vraiment adaptée à mon jeu alors que je prolonge dans le même temps mon contrat. C’était un 4-5-1 avec Marouane en pointe. Lors de cette période, l’équipe était un peu coupée en deux. Il y avait les titulaires d’un côté qui participaient à tous les matchs et les remplaçants qui ne jouaient plus rien. Donc ça a été compliqué. Mais j’aurai toujours un énorme respect pour Laurent Blanc parce qu’il m’a choisi à Bordeaux et que c’est quelqu’un d’agréable à vivre au jour le jour. Avec Jean-Louis Gasset, c’est un tandem très intéressant. Un peu le feu et la glace.

Laurent Blanc n’était pas du tout distant contrairement à ce qu’on peut lire ici ou là. Au contraire, il aimait bien plaisanter. Mais il est beaucoup plus discret que Gasset quand même. Lui, c’était vraiment une personne hyper marrante tout le temps et un caractère passionné. Je ne critiquerai jamais durement Laurent Blanc même si, en effet, le groupe était vraiment scindé en deux pendant sa dernière année. Vous savez, on est dans un monde où la critique est devenue banale. Ça fait vendre. Parce que si on commence à dire du bien de tout le monde, il n’y a plus d’économie. La presse est aux abois aujourd’hui et les journalistes ont besoin de trouver la petite bête. Ils sont attirés par l’odeur du sang. Si tout va bien, personne n’achète. Bordeaux sous Laurent Blanc, ça s’est humainement très bien terminé. L’inverse de ce qu’il s’est passé sur le plan sportif. Je ne sais pas si c’est parce qu’on a changé de style mais à la fin, c’est sûr qu’on était un peu fragilisés. On a tous craqués. C’était la chute de tout un groupe. Il y a beaucoup de joueurs qui sont sortis fatigués de cette année-là. Et puis quand il est parti et qu’il a été remplacé par un autre entraîneur (Jean Tigana NDLR), ça a été la cerise sur la gâteau.

(…) Il fallait absolument que je parte prendre de l’air. Donc je suis prêté à Nice. Mais j’ai eu une pubalgie. Mon adducteur a lâché. Et puis un gros problème à l’oreille interne suite à un choc aérien dans un match avec le PSG. Ça fait un peu chute libre à partir du moment où Laurent Blanc est parti. J’ai passé six mois « à la cave » ou même en dessous à Bordeaux. Et ce n’était pas que sur des choix sportifs. Mais je ne veux pas en dire plus.J’ai dû attendre le mercato hivernal. En réalité, on m’avait déjà dit au cours de l’été que je pouvais partir. Mais c’était trois, quatre jours avant la clôture du marché des transferts alors que ma femme allait accoucher dans le mois et que ma fille avait repris l’école trois jours avant. J’ai été un peu pris de cours mais j’ai assumé mon choix de rester six mois de plus même si je savais que je ne jouerai jamais. On me l’a bien fait comprendre.

(…) À ma grand surprise, ça s’est super bien passé quand je suis revenu à Bordeaux après mon prêt à Nice. Je suis arrivé avec une grosse pubalgie, mais Francis Gillot m’appréciait. Il me parlait tout le temps. J’ai besoin de ça car je suis quelqu’un de sentimental. Quand je reviens de blessure, je suis direct dans le groupe et je joue titulaire parce que ça ne tournait pas très bien. On gagne notre premier match à domicile je crois. Du coup, je passe d’excellentes vacances l’hiver suivant parce que je sens sa confiance. Et au retour, il prend Ludovic Obraniak, change de tactique et je ne joue plus. À partir de là, le coach ne m’a plus parlé jusqu’à l’été 2012. Ça été un peu bizarre. Mais en revanche, je n’ai aucun problème avec Francis Gillot. Je suis allé lui dire au revoir quand il est parti. Pas de souci. Mais c’est vrai que sur le plan sportif, je n’ai pas trop compris ce qu’il s’est passé.

(…) Après ne pas avoir pu signer au New York Cosmos à l’été 2013, on est restés à Bordeaux pour ma dernière année de contrat. Le père de ma femme était en phase terminale d’un cancer. On en a profité pour s’occuper de lui. Évidemment, lors de la saison 2013-2014, j’étais un peu en roue libre. J’attendais que mon contrat se termine. Francis Gillot savait très bien que j’avais la tête ailleurs. Concernant la dernière année du coach, je peux comprendre l’usure des deux côtés. Il faut aussi expliquer qu’au moment où l’entraîneur est arrivé, il a vraiment trouvé un groupe complètement fracassé. Francis Gillot a tout reconstruit sur des ruines. Avec lui, ce n’était pas toujours une partie de plaisir. Mais le foot, c’est ça. On s’adapte aux caractères.

(…) J’ai toujours eu la chance ces dernières années de rencontrer des présidents qui aiment la culture, les belles choses. Que ce soit Jean-Louis Triaud qui a un esprit brillant et qui apprécie le vin, Nicolas de Tavernost qui est, quand même, un grand chef d’entreprise, ou maintenant Patrice Haddad. On a de vrais points communs à propos de la culture, de l’art. C’est d’ailleurs comme ça qu’on a parlé du Red Star. On ne s’est pas rencontrés pendant un match mais au cours d’un défilé. C’est différent en Angleterre. J’ai dû rencontrer deux ou trois fois le président de Sunderland. Pareil pour Manchester United. Et je ne pense pas avoir vu celui de West Ham. Les figures des clubs, ce sont les entraîneurs. »