Niša Saveljić : « Le capitaine ne doit pas porter le brassard juste pour la photo, mais être crédible »

Nouvel extrait intéressant de l’entretien GA de Niša Saveljić, ancien défenseur central des Girondins à la fin des années 90. Réputé pour ses qualités de joueur et son rôle de leader, grâce à un état d’esprit forgé à l’école yougoslave, ‘Nino’ avoue avoir parfois du mal avec certaines mentalités, et insiste sur l’importance, dans un groupe, d’avoir des cadres d’expérience pour guider les plus jeunes.

« Ce qu’il faut comprendre, c’est que tu peux perdre 6 buts à 0 ; et ça on l’a malheureusement vécu ; mais après on se réunit dans le vestiaire, tous, et on se dit qu’on doit gagner le prochain match. Les anciens prennent la parole, même les jeunes s’il le faut, mais il faut une réaction. Ici, à Bordeaux, les supporters sont respectueux, c’est bien, la région est très belle, donc tu te dis que ce n’est pas grave… Mais il faut bien se rendre compte que les gens ne rient pas du tout. Donc on se remet au charbon, on se remet en cause rapidement, on se dit les choses les yeux dans les yeux, avec les coéquipiers et le staff technique, puis on avance ! Il faut agir en leader ; ça vaut pour chacun ; et se responsabiliser, ne pas rester dans son coin, puis aller évacuer sur le Bassin d’Arcachon pour oublier. Je ne dis pas de prendre les fusils, de s’isoler dans une cave, et de faire la révolution, mais de réfléchir à tout ça au quotidien, dans l’approche des choses, par rapport aux sacrifices à faire.

Les anciens servent à cela, c’est leur rôle de transmettre ces valeurs de sérieux. Aux Girondins, Michel Pavon agissait sur ce point. Quand je m’étais pris un carton rouge bête, en pénalisant l’équipe, ce n’est pas le coach Élie Baup qui avait pris la parole, mais Michel, le capitaine… Il m’avait dit : ‘T’es un mec super Nino, je t’apprécie, mais ce que tu as fait est grave, donc tu vas payer une amende pour avoir nui à l’équipe’. Je n’avais rien à redire, car j’avais compris qu’il avait raison. On est dans un sport d’équipe, pas dans un sport individuel où tu ne gênes que toi si tu craques. Lilian Laslandes ; mon meilleur ami dans l’équipe, mon ‘frère’ ; il était aussi très important sur cet aspect, et pas qu’à Bordeaux ! Dans ses autres clubs, à Bastia et à Nice, il prenait la parole quand il fallait pour dire les bonnes choses. C’est obligatoire d’avoir quelqu’un pour le faire, en relais de l’entraîneur. Le capitaine ne doit pas porter le brassard juste pour la photo. Même si il fait un mauvais match, ça arrive, il doit être crédible et légitime pour garder tout le monde en alerte, que les jeunes ne se relâchent pas. Après, ils sont jeunes, ils sont différents, donc s’ils veulent prendre des photos pour les mettre sur Instagram, écouter leur musique, rigoler entre eux, se faire des coupes de cheveux, pas de soucis, mais il ne faut pas que ça perturbe leur niveau et la vie de l’équipe. S’ils sont bons, pas de problème, mais s’ils ne le sont pas il faut analyser les choses à ce niveau, et voir ce qu’ils font avec internet, les réseaux, le téléphone… Et c’est aux anciens de faire comprendre aux jeunes comment les choses se passent, à la fois par la parole ; en ‘face to face’ si besoin ; et par les actes. Mais chacun sa nature, il ne faut pas se forcer à trop en faire parce qu’on est ancien, ça doit venir naturellement, à force d’avoir du vécu, de penser à l’équipe, aux résultats collectifs, avant de penser à soi, à son jeu, à son salaire.

Sur ce sujet, je pense à l’exemple de Zinédine Zidane depuis qu’il est entraîneur. On disait : ‘Zizou il est jeune, il est gentil’, mais ça n’a rien à voir, car on voit qu’il a tout compris au niveau du management, de la préparation, et donc pas qu’au niveau du football. De grands tacticiens, comme Van Gaal ou bien Guardiola, peuvent parler longtemps, mais cela peut avoir un côté trop scolaire. Lui, il entraîne ses joueurs avec lui, il les emmène dans son projet, même si c’est plus facile avec l’effectif du Real où tu as déjà des gagneurs. Mais cela montre que si tu trouves le bon dosage, entre tes joueurs et ton staff technique, dans tout ce qui est travail, analyses et discussions, en sachant aussi gérer les égos, ça va forcément marcher. Et ça peut même éviter les échecs à l’avance. La compétence d’un entraîneur est aussi beaucoup dans tout ça maintenant. »