Christophe Dugarry : « Au final, on te dit ‘Qu’est-ce que ça fait ?’ ; mais tu n’es qu’un homme »

Encore dans « Le Vestiaire » (diffusé sur SFR Sport), Christophe Dugarry, entouré de ses trois anciens coéquipiers en Bleu ; Emmanuel Petit, Frank Lebœuf et Fabien Barthez ; s‘est souvenu, avec une étonnante humilité, de son état d’appréhension avant le début de la Coupe du Monde 98, et notamment du premier match, de l’inauguration, le fameux France/Afrique du Sud (3/0) où l’attaquant formé aux Girondins avait ouvert le score, de la tête, sur un corner.

« Certains se posent des questions pour savoir si on ne nous a pas donné la Coupe du Monde, mais moi… Quand tu entends tous les jours, que tu lis dans la presse que tu es bidon, que tu es de la merde, tu sais comment c’est… Si on te dit tous les jours ‘La merde c’est bon’, tu vas finir par la goûter, et bien là c’est pareil ; à force d’entendre que t’es nul tu finis par le croire. Tu commence à douter, sincèrement. Je n’ai jamais douté du soutien du groupe, de celui d’Aimé, je me sentais bien dans cette équipe, mais les yeux des tribunes sont durs… Quand Guivarc’h se blesse et que je rentre, il y a les sifflets, puis il y a l’action où je me fais un nœud dans les jambes, heureusement qu’on ne prend pas de but sur le coup-franc que je provoque, puis ensuite je rate d’abord une première occase. Tous ces petits trucs finissent par te faire douter, je n’y étais pas insensible. Donc quand je marque, c’est la délivrance. Pour moi, ce premier but de la Coupe du Monde, il a changé ma vie et certainement ma carrière, dans la confiance déjà…  Tout le monde savait que j’avais du talent et que je savais donc faire des trucs sympas, mais après…

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Sincèrement, est-ce qu’on n’avait pas tous un doute sur nos capacités ? Moi, j’en avais plus que d’autres parce que j’étais beaucoup critiqué… On avait un bon groupe, mais on jouait le Mondial chez nous, on avait vécu une campagne de matches amicaux très compliquée, donc je crois qu’on doutait tous de notre niveau, et de là où on pouvait aller. C’était complètement nouveau pour nous tous. Non ? Vous ne le ressentez pas comme ça ? Vous étiez sûrs que… ? Avant le match, dans les vestiaires, je me souviens avoir versé ma petite larme, mais c’était juste nerveux. Je ne me souviens plus vraiment pourquoi, mais j’avais une émotion d’avant-match, par rapport à ça, à tout ce truc qu’on allait vivre, à l’évènement.

Je pense, sincèrement, que pendant cette Coupe du Monde on s’est tous découverts. Moi, je reste un bon vivant, et j’avais beaucoup de respect pour mes coéquipiers, je les aimais bien, mais j’ai été surpris du niveau des 23 mecs. Sincèrement, même si on était chez nous et qu’on avait tous fait des belles choses avant dans nos carrières, qui pouvait dire ce qu’on allait faire et qu’on allait être au top ? Moi, je ne le voyais pas trop comme ça. Donc, les doutes des gens sur nous, je n’étais pas choqué, même si c’était dur pour nous, pour nos familles. Mais c’est ça qui fait que l’aventure est vraiment extraordinaire, le fait de s’être découvert au fur et à mesure. Qui pouvait savoir qu’on allait avoir l’œil du tigre, que rien n’allait nous toucher ? C’est pour tout ça que j’avais la larme à l’œil au moment de débuter l’aventure. Moi, mes références, c’est 1982, quand j’avais 10 ans, chez mon grand-père. Je voyais la Coupe du Monde être soulevée, c’était fort comme image. Et là, se dire qu’on va la jouer, à domicile, mais c’est juste magique. Et à Marseille, en plus, dans un stade Vélodrome somptueux, même s’il y avait alors un Mistral épouvantable… Mais à ce moment, on ne savait pas… On s’est révélé avec le parcours : Croatie, Italie, Paraguay, Brésil. Et après, au final, quand on vient pour te demander ‘Qu’est-ce que ça vous fait d’être (champion du monde) ?’ ; mais tu n’es qu’un homme, tu ne sais pas trop quoi dire, c’est bizarre. »