Les explications de Bruno Derrien sur le fameux Bordeaux – Lyon de 2005

Dans « Le Vestiaire » (SFR Sport), l’ancien arbitre Bruno Derrien est revenu sur le match le plus marquant, négativement, de sa carrière : le « fameux » Bordeaux/Lyon de 2005, à Lescure (1/1), où il était passé au travers, ce qui avait eu ensuite des conséquences exagérées sur sa fin de carrière.

« Avant la rencontre, j’étais surtout content d’arbitrer une telle affiche. C’était une marque de confiance qui m’était faite, car des Bordeaux/Lyon ce sont de beaux matches. J’étais bien sûr conscient de l’enjeu de la partie, je me souviens que c’était un match à 17 heures le samedi, sur une chaîne concurrente. Je me rappelle très bien de cette première mi-temps, où il y a un centre de Darcheville pour Marouane Chamakh, avec Cris qui saute et qui a le poing collé au visage. Vu qu’il est chauve, moi je crois voir une tête alors qu’il a, en fin de compte, boxé le ballon de la main. Chamakh lève tout de suite les bras au ciel, et vient vers moi. Je suis pris d’un doute et j’interroge mon assistant du regard, qui ne réagit pas.

Pour la petite histoire, on ne va pas revenir dessus, mais au départ de l’action Darcheville est hors-jeu. Donc s’il avait été signalé, il n’y aurait pas eu de problèmes derrière. Mais bon, bref, je n’ai pas vu cette main, qui aurait dû être sanctionnée d’un pénalty pour Bordeaux. On est bien d’accord. Après, en seconde période, il y a deux mains de Tiago, que je vois très bien. Mais je les estime alors totalement involontaires, car le bras est à chaque fois collé au corps. Bien sûr qu’il y a main, mais ensuite c’est très subjectif car il faut juger la volonté ou non, le mouvement du bras. C’est toujours facile de dire après, ou de vouloir compenser. Moi je pense que compenser c’est ajouter une erreur à une erreur. La facilité aurait donc été, pour moi, de le faire, et peut-être que, avec du recul, j’aurais dû le faire. Car ensuite ma carrière se serait terminé différemment.

Au final, on a retenu quoi de ce match ? Qu’il y a eu 3 mains et pas une seule de sanctionnée. Il est vrai que ce match là n’a pas été le meilleur de ma carrière, je dois l’avouer, car dans une carrière de 15 ou 16 ans on a toujours une ou deux casserole(s)… Un joueur loupe des matches lui aussi, et bien moi j’en ai loupé deux. Un à Marseille, que j’ai évoqué tout à l’heure, et celui à Bordeaux. Je n’ai donc pas eu de chance car je me suis planté avec des équipes médiatiques et, voilà, j’ai été mal noté et ça m’a ruiné ma fin de carrière. J’ai pu terminer la saison, mais cela a été ma dernière en Ligue 1. J’ai terminé sur une saison en Ligue 2 et j’ai stoppé ma carrière d’arbitre à 43 ans au lieu de 45, comme le stipulait la limite d’âge de l’époque.

Pour avoir vécu des fins de carrière de collègues, c’est toujours de grands moments, et il ne faut pas rater sa sortie. En plus, à mon époque, on choisissait son match et son stade. Moi, j’avais commencé à Lens et j’aurais aimé terminé à Lens. Mais je l’ai terminée à Gueugnon, sur un match contre Bastia… Ils sont très sympas les Forgerons, mais bon… Je ne savais même pas que c’était mon dernier match. Mais j’avais quand même un pré-sentiment, donc j’ai fait durer les arrêts de jeu car je savais qu’en sifflant je terminais probablement ma carrière. J’avais intenté, en parallèle, une action en justice contre ma fédération par rapport à ma note lors du Bordeaux/Lyon de 2005, mais le temps que ça aille jusqu’au Conseil d’État c’était très long et je ne savais pas si j’allais gagner et si j’allais pouvoir revenir. »