P. Lucas : « Les dernières minutes et le temps additionnel m’ont semblé durer une éternité »

Toujours dans son récit pour France Football, l’ancien milieu des Girondins, devenu formateur au club depuis, Philippe Lucas, s’est souvenu des coulisses et du contexte du Bordeaux/Milan d’il y a 20 ans jour pour jour, quand le FCGB a renversé le grand Milan AC en quart de finale retour de Coupe UEFA (3/0) :

« Finalement, je me demande si ce n’est pas l’attitude de nos adversaires qui nous a donné ce petit supplément d’âme, cette hargne, qui nous a permis de nous sublimer. Je me rappelle que, la veille, Sud-Ouest avait publié une photo des Milanais arrivant à l’aéroport de Bordeaux-Mérignac. Ils arboraient tous des lunettes de soleil, des costumecravate. Ils semblaient vraiment très décontractés, sûrs de leur fait. Ce match retour comme l’avait dit Marcel Desailly, était, pour eux, « une formalité ». Ils venaient jouer en claquettes, ils nous ont pris pour des truffes !

Ce sentiment de « révolte » s’est trouvé renforcé lors de notre arrivée au stade, une heure trente environ avant le coup d’envoi. Je ne sais pas pourquoi mais j’ai eu l’impression que le match était déjà commencé. Du paddock, nous entendions le chant des supporters, une ambiance formidable, à laquelle nous n’étions pas habitués à Lescure. Ce jour-là, tout était différent. Tellement différent que c’est la seule fois de ma carrière où je ne suis pas allé reconnaître le terrain. Je sentais que je n’avais pas besoin d’y aller. Que j’étais déjà dans la rencontre. Une rencontre qui n’en finissait pas. Les dernières minutes et le temps additionnel m’ont semblé durer une éternité.

Au coup de sifflet final, j’ai éprouvé une grande joie. Je me revois soulevant Geoffray Toyes dans mes bras. Pourtant, là encore, contrairement à mes habitudes, je ne suis pas resté longtemps sur le terrain. Je n’ai pas entamé de tour d’honneur. Très vite, je suis rentré au vestiaire. Je voulais certainement être seul. Peut-être parce que je savais que c’était ma dernière saison en tant que joueur. Dans ma tête, j’avais déjà pris ma décision, même si je ne l’avais pas encore annoncé aux dirigeants et à mes coéquipiers. Seuls mes proches le savaient. D’ailleurs, parfois, avec le recul, je me demande si je n’aurais pas dû rester plus longtemps sur la pelouse. Quand mes coéquipiers m’ont rejoint, la joie est restée mesurée. Nous formions un groupe intelligent qui a su savourer ces instants-là avec une grande humilité en les partageant avec nos familles, nos proches. Et, même si nous avons fêté cette qualification tous ensemble en sortant en boîte de nuit, nous avions conscience que ce n’était qu’un quart de finale. Que, désormais, il nous fallait viser plus loin, aller jusqu’au bout. Et surtout se remobiliser pour le championnat et obtenir au plus vite notre maintien. »