Jean-Louis Triaud et les Girondins, une (très) longue histoire

Une longue histoire avec Bordeaux et un palmarès de champion
 
Après trois années de co-présidence, aux côtés de Jean-Didier Lange, Jean-Louis Triaud se retrouve seul maître à bord du vaisseau girondin.  En 1999, il est à l’origine de l’arrivée d’M6 au capital du club grâce à une longue relation amicale avec le Président du groupe médiatique, Nicolas de Tavernost. Après une brève absence entre juin 2002 et janvier 2003, où l’intérim de Dominique Imbault n’aura pas marqué les mémoires, Triaud présidera à nouveau, sans discontinuer, les Girondins jusqu’au 9 mars 2017, date à laquelle il passe le relais à Stéphane Martin, administrateur du club au scapulaire depuis plusieurs mois.
 
Sous la présidence de Jean-Louis Triaud, les Girondins se construisent un palmarès à faire pâlir d’envie bien d’autres clubs français : deux titres de Champions de France, en 1999 et en 2009, trois Coupes de la Ligue, en 2002, 2007 et 2009, une Coupe de France, en 2013, et deux Trophées des Champions en 2008 et 2009. Ajoutez à cela une quinzaine de qualifications européennes, et vous obtenez un bilan sur 20 ans que seul l’Olympique Lyonnais et le Paris Saint-Germain, surtout depuis 2011, peuvent regarder de haut. En effet, seuls ces deux clubs ont gagnés tous les trophées nationaux lors des deux dernières décennies .
 
Une image très contrastée auprès des supporters
 
De sa présidence, outre les titres glanés tout au long de ses 21 ans d’activité, Jean-Louis Triaud gardera certainement des souvenirs sur ses relations avec les supporters girondins. Les relations entre Triaud et les Ultramarines étaient, au départ, pour le moins glaciales et carrément hostiles au début des années 2000, la faute à des caractères assez forts de part et d’autre de la table. Par la suite, ces relations se sont apaisées et un véritable lien de confiance s’est tissé entre le principal groupe de supporters des Marine et Blanc et JLT, au gré des aléas sportifs, bien entendu, et en totale indépendance vis-à-vis des décideurs du club. L’actionnaire M6 gardant la main sur les cordons de la bourse, tandis que Triaud, viticulteur de profession, est resté bénévole (chose unique en France), le rapport de force était délicat à gérer pour ce dernier, devant faire tampon entres toutes les différentes parties prenantes du club dont il était un président… délégué, représentant l’actionnaire sans en être salarié.
 
Avec le grand public des supporters, à l’inverse de ses rapports avec les Ultras, l’image n’a jamais vraiment été très reluisante, et s’est même dégradée ces dernières années. Une grande partie du peuple girondin a reproché à Triaud sa communication, parfois brute et clivante (comme lorsqu’il avait qualifié, en 2013, les supporters qui critiquaient sa gestion en boycottant le stade de « faux-vrais supporters »), et donc de plus en plus inadaptée au football actuel, mais aussi et surtout sa gestion désastreuse, il faut bien le dire, du titre de 2009 ou son “manque d’ambition”. Tout cela était lié à la politique générale d’M6, distillant ses investissements dans l’équipe de façon prudente, misant sur des paris, rarement gagnant, sans aller chercher des joueurs confirmés, et prenant des décisions sportives discutables. 
Jean-Louis Triaud, c’était donc une relation paradoxale avec les supporters girondins, dont (presque) tous reconnaissent son attachement au club mais dont beaucoup déplorent qu’il ait participé à une certaine forme de déliquescence du FCGB, depuis 2010, loin du lustre “d’antan”. Lui le Bordelais de naissance, gendre d’Henri Martin, ancien président des Girondins dans les années 60, aura donc réussi à garnir le palmarès de la maison aquitaine et à solidifier sa place dans les grands clubs au niveau de l’historique, de la régularité et des structures (adossement à un actionnaire important pour garder un certain standing, modernisation du Haillan, nouveau stade) ; mais il n’aura, sur la fin, pas su maintenir les Girondins dans les 4 ou 5 premiers du championnat lors de la dernière partie de son “règne” au château du Haillan. Un passage final qui ternit son bilan, même s’il y a quand même eu quelques joies et une Coupe de France, la seule de sa présidence, pour sauver les meubles.
 
Un Président fidèle à ses entraîneurs
 
Jean-Louis Triaud avait aussi la particularité d’être d’une patience assez conséquente vis-à-vis de ses entraîneurs, qu’il a toujours mis en confiance en leur accordant du crédit et en appuyant leurs envies. Parfois trop, au détriment d’une politique durable pour le club. Il n’a, d’ailleurs, été contraint de se séparer volontairement de son entraîneur qu’à deux reprises en 21 ans d’exercice. Seuls Elie Baup, emblématique entraîneur de la fin des années 90 et du début des années 2000, et, plus récemment, Willy Sagnol, en 2016, se verront retirer la confiance présidentielle avant le terme naturel de leur contrat (Jean Tigana, en 2011, avait démissionné). 
Les choix des entraîneurs successifs se sont révélés plutôt payants puisque la plupart d’entre eux (Baup, Ricardo, Laurent Blanc et Francis Gillot) ont gagné au moins un titre lors de leur passage aux Girondins, remplissant ainsi l’armoire à trophées du club. Une armoire remplie, essentiellement, lors des années 80, sous la présidence de Claude Bez (3 titres, 2 Coupe de France), et sous celle de JLT.
Son départ marque la fin d’une époque
Le départ de Jean-Louis Triaud, c’est sans doute la fin de sa gestion en « bon père de famille » d’un club tranquille, parfois trop, là encore, dans l’ambiance discrète et secrète du Haillan. Le départ de Jean-Louis Triaud, c’est aussi la fin d’une époque ; celle d’un dirigeant ayant appris sur le tas, car tombé dans le football un peu par hasard, grâce à une amitié et à une opportunité, lui qui était plutôt proche du monde rugbystique et des “valeurs de l’ovalie” à la base. Apprécié, voire très apprécié, de ses joueurs, de ses entraîneurs, mais aussi des médias et du monde du football français en général, pour sa personnalité atypique, Triaud était farceur, ironique, sarcastique, parfois hautain, du moins en apparence, mais ceux l’ayant connu louent, en plus de son palmarès, un homme passionné, engagé, fidèle, professionnel et respectueux. Bien sûr, il avait aussi ses détracteurs, mais il incarnait assez bien, au fond, une certaine identité bordelaise, dans ses bons comme dans ses mauvais côtés.
C’est donc bel et bien une véritable page qui se tourne dans l’histoire des Girondins, lesquels devaient bien finir par évoluer en se séparant d’un homme qui a marqué le club, mais qui, à 67 ans, commençait sérieusement à paraître dépassé. L’arrivée d’Ulrich Ramé (44 ans) comme “directeur technique”, l’été dernier, avait déjà indiqué la prise de pouvoir d’une nouvelle direction, plus jeune ; celle de Stéphane Martin (46 ans) comme président… salarié, à la place de Triaud, ne fait que la confirmer. En espérant que cette nouvelle direction puisse améliorer, avec l’aide du compartiment sportif, la situation des Girondins et qu’elle ait la même longévité et les mêmes succès que celle de Triaud et d’Alain Deveseleer, qui reste Directeur Général des Girondins.
Quant à lui, Jean-Louis Triaud ne se retire pas complètement de la vie de son club de coeur, En effet, il garde une fonction symbolique, mais importante, à la tête du Conseil d’Administration du FC Girondins de Bordeaux. Un rôle de “vieux sage”, pour laisser la main en douceur, et continuer de veiller sur le travail des autres. D’un peu plus loin.
Merci pour tout Mr Triaud, et bonne continuation !
Par Aymeric et Thibaud
Crédits photos : RMC ; Sud Ouest ; ZoomGirondins