Interview de Stéphane Courbis, agent de joueurs


Bonjour Stéphane Courbis. Pouvez-vous nous décrire votre parcours
avant de devenir agent de joueur ?


Bonjour. J’ai un parcours assez classique puisque j’ai une
formation en droit. Puis j’ai obtenu ma licence d’agent FFF.


On devine que la profession fait l’objet d’une surveillance
particulière ?

Lors de chaque mercato estival, nous devons fournir des
rapports détaillés sur les transferts que l’on réalise. C’est assez précis.
Nous devons apporter la preuve de nos mandats. Nous devons également nous
assurer. La licence doit désormais être renouvelée tous les ans alors qu’avant elle
avait une validité de 5 ans. Il existe une volonté de surveiller les agents et
de les contrôler.

 

Comment s’y prendre pour repérer un jeune joueur sans
agent ?

On les repère dans les centres de formation. On leur donne
des conseils dans la gestion de leur quotidien et on finit aussi leur éducation
footballistique. Il y a une sacrée différence entre être professionnel et faire
une carrière professionnelle. Faire une carrière professionnelle, c’est
difficile. Il faut aiguiller le joueur.


On entend souvent dire que ce sont les agents qui
« font » les carrières. Qu’en pensez vous ?

Comme dans tous les métiers, il y en a pour tous les goûts.
Il y a des agents qui ont pour priorité d’aider leurs joueurs à toujours
obtenir le meilleur pour eux et leur carrière. Et puis il y a les autres
agents… comme ceux qui ne se soucient que de l’argent que pourra leur rapporter
le joueur.


En parlant d’argent, comment se rémunère un agent ?

Si l’agent et le joueur sont liés par un contrat, c’est le
joueur qui doit rémunérer son agent. En revanche, en cas de convention tripartite
conclue entre le joueur, le club et l’agent, l’agent peut toucher une prime
allant de 1 à 10 % du salaire annuel du joueur dont il défend les intérêts.


Pouvez-vous nous dévoiler quelques uns des noms de joueurs dont vous
représentez les intérêts ? Aux Girondins de Bordeaux peut-être ?

Actuellement, j’ai quelques joueurs girondins sous contrat avec
moi comme Cédric Carrasso, Thomas Touré, Jérôme Prior, Mathieu Chalmé ou Willy
Sagnol.

Lorsqu’un de vos joueurs vient vous voir et qu’il vous demande de vous
renseigner pour un transfert, comment vous vous y prenez ?

Mon rôle est de « conseiller » mon joueur. Le joueur
reste seul décideur de son sort. Comme un avocat, je n’ai aucun pouvoir
décisionnaire.

Il faut attendre le bon moment. Par exemple, Serge Aurier qui
était arrivé au bout à Toulouse. Il lui fallait un autre challenge, plus relevé
et à la mesure de son talent. J’ai tout fait pour qu’il soir transféré et
maintenant il évolue au PSG.

Vous évoquez la notion de « bon moment ». Quand
est-ce que c’est le bon moment selon vous ?

Chaque cas est différent. Vous pouvez avoir un joueur qui ne
s’épanouit pas dans un club soit parce qu’il est loin de sa famille ou qu’il
n’entre pas dans les plans de l’entraîneur. Vous pouvez également avoir un
joueur qui s’éclate mais qui arrive à un pallier qu’il ne pourra franchir qu’en
cas de départ.


Il faut voir ce que souhaite l’entraîneur. On se renseigne
sur le système de jeu employé, le profil de l’entraîneur et voir si cela
colle bien aux qualités du joueur demandeur. Ma mission est de trouver le bon club à
chaque joueur.

Avez-vous quelques anecdotes au sujet du Président
Triaud ?

J’ai eu l’occasion de le rencontrer quelques fois. C’est le
garant des finances du club girondin. Il n’a pas tendance à sous-payer un
joueur.

Une anecdote sur un transfert ? 

Je pourrai vous parler de Cédric Carrasso qui a récemment
prolongé son contrat. Je peux vous confirmer que le club de Bursaspor était
intéressé. Seulement, Cédric a privilégié Bordeaux car il s’y sent comme chez
lui. A partir de là, il n’a pas hésité et cela s’est fait rapidement.


Combien de temps peuvent durer des négociations ?

Mon souvenir d’une longue négociation est celle de Robert
Pirès qui a duré plus d’un an et demi !


Quel regard portez-vous sur l’état des clubs français ?

Nous avons la chance d’avoir des clubs bien gérés en France.
Ce qui attire c’est le sérieux et la performance d’un club mais aussi la
qualité des installations. Les Girondins bénéficient de ces critères.

Étant donné que vous avez donc des joueurs des Girondins de Bordeaux sous contrat,
confirmez-vous que le club est en train de mettre en place un « salary
cap » comme à Saint-Étienne ?

Les Girondins ont établi une grille des salaires en
introduisant une part d’aléatoire. Concrètement, plus vous êtes bien classés,
plus les primes gonflent. C’est un système qui peut être dangereux si jamais le
club dépasse ses objectifs. Un joueur peut faire une bonne saison dans une
saison collective moyenne et il faudra quand même réévaluer son salaire pour
éviter de le voir partir.

 

Des agents qui s’occupent en parallèle de la carrière
d’entraîneurs et aussi de joueurs, n’y voyez-vous pas un risque de conflits
d’intérêts ?

C’est très facile de voir des risques partout. J’attire votre
attention sur le fait que nous n’avons aucun intérêt à placer des joueurs à
tout prix… Allez donc voir le grand nombre de joueurs qui pointent aujourd’hui au
chômage sur les listes de l’UNFP.


On a surtout mis cette situation en avant lorsque Laurent Blanc a été
accusé
par certains observateurs du foot de sélectionner des joueurs de l’écurie de son agent, Jean-Pierre Bernès…

Je ne vais pas parler pour Jean-Pierre, qui est un collègue
que je respecte. Je vais prendre un exemple concret. J’ai sous contrat un
joueur qui s’appelle Matthieu Chalmé. Il possède une belle carte de visite.
Expérimenté en Ligue 1, un bon palmarès, etc. J’aurais pu dire à Willy, dont je
m’occupe, « allez fais-lui signer un contrat ». Or ce n’est pas le
cas.

Nous remercions grandement Stéphane Courbis pour le temps qu’il nous a accordé pour réaliser cette interview.